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Les circuits-courts, un champ plus loin à explorer?

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Un matin d’été, au milieu des années 80, le soleil darde ses rayons par les rideaux de votre chambre. Les oiseaux chantent et accompagnement votre réveil. Quelques grillons se font entendre. Les bruits de la campagne vrombissent à vos oreilles : un des agriculteurs passe avec son tracteur, un autre mène ses vaches au champ, des enfants jouent dans la rue, la voisine chantonne en pendant le linge (oui, dans les années 80, comme aujourd’hui, ce sont souvent les femmes qui s’occupent de ce genre de tâches ménagères), votre voisin nettoie sa voiture en mettant le haut-parleur. La rosée du matin arrose l’herbe de sa fraîcheur. Les fleurs répandent un parfum de bonheur. L’asphalte chaud attend avec impatience le bruissement d’un orage pour diffuser cette odeur si particulière. C’est un jour d’été presque comme tous les autres dans une campagne verdoyante. Avant de partir au travail, votre maman a laissé une liste des tâches que vous et votre fratrie devrez accomplir pendant la journée. Pour être sûre que vous ne glanderez pas toute la journée devant la télé ou à construire une salle de sport de bric et de broc dans le grenier familial et que vous participerez à l’entretien de la maison. Sur cette liste, deux missions semblent pour vous l’horreur ultime : nettoyer l’allée du jardin et récolter les haricots. Heureusement que votre jeune âge vous a permis d’échapper à la pire chose : bêcher.

Une dizaine d’années plus tard, le jardin de votre enfance a disparu. Les aléas de la vie, la surcharge de travail des parents et la facilité de trouver tout au supermarché ont eu raison des légumes et fruits du jardin. Pour ces raisons et d’autres, les tracteurs se sont tus, les vaches ne traversent plus le village, les fermes sont transformées en gîte. Votre village a bien changé. Vous avez bien changé.

20 ans plus tard, les légumes et fruits ont retrouvé une petite place sur votre lopin de terre familiale. Surélevés, moins fournis, ils offrent quand même quelques savoureux agréments à vos retrouvailles. Ces tâches de cueillette que vous redoutiez, qui gâchaient un peu vos journées sont devenues le summum du cool. Ces grappes de raisins que vous ne vouliez plus attraper sont aujourd’hui le hobby d’un autre, son moment de détente de la semaine au milieu de vignes réhabilitées.

En même temps, des jeunes et moins jeunes veulent revenir à la terre et se lancent dans des projets agricoles, réinvestissant vos fermes à l’abandon. Vous allez chercher votre fromage chez telle productrice, vos légumes chez tel autre. Et le summum du plaisir, le glacier a recommencé à faire la tournée des villages, mais avec des produits faits maisons, des glaces aux saveurs nouvelles. Votre village a bien changé. Vous avez bien changé.

 

Si vous avez vécu ou connaissez bien la campagne, ces mots résonnent probablement à vos oreilles, à votre histoire.

 

On dit que la mode est un éternel recommencement, il faut croire que cette affirmation est valable aussi pour d’autres produits de consommation. Aujourd’hui, il y a une demande forte pour plus de proximité dans l’alimentation, pour plus d’informations sur ce qu’on mange, pour plus de qualité dans les fruits et légumes qui occupent nos assiettes.

SAW-B a cette préoccupation depuis longtemps. Cette newsletter et les projets que nous soutenons et développons comme Cabas et la Ceinture alimentaire de Charleroi en sont la preuve concrète. Nous sommes nombreux dans ce cas. Un peu partout en Belgique et ailleurs, les circuits-courts prennent de l’ampleur. Il y a quelques semaines, la Fabrique Circuit-court inaugurait d’impressionnants bâtiments à Rhisnes où des producteurs, des transformateurs, des entreprises en économie sociale sont rassemblées pour pouvoir encore mieux répondre aux attentes des consommateurs et aux défis environnementaux. Chaque jour, de nouveaux projets s’amorcent, se développent, se renforcent, font des petits.

Si les circuits-courts représentent aujourd’hui une vraie opportunité, pourquoi ce concept n’essaime-t-il pas dans d’autres domaines que l’alimentation ? On entend bien parler de temps en temps de circuits-courts pour des matériaux de construction notamment, mais pourquoi pas pour plus de produits ? A quand des circuits-courts en matière de service également dans les domaines du nettoyage, de l’informatique, de la pharmacie… ?

Dans son usage courant, quand on parle de circuit-court, beaucoup de personnes pensent à la diminution des intermédiaires mais aussi à la proximité. L’alimentation est pionnière dans ce domaine, mais on peut très bien imaginer se servir de cet exemple pour le tenter dans d’autres secteurs. Il y a quelques jours, un élu de Sivry-Rance se désolait que tout le bois de la commune vendu cette année ait été acheté par la Chine, pour revenir bien souvent transformé dans nos magasins. Dans de nombreux secteurs, la sous-traitance est devenue la norme, chacun se spécialisant, ajoutant toujours plus d’intermédiaires et ajoutant, surtout, des pressions sur les prix et sur les conditions de travail.

Les entreprises d’économie sociale sont parfois sous-traitantes elles-mêmes pour assurer des tâches spécifiques ou pour permettre aux entreprises de remplir des obligations en matière de clauses responsables. Si elles assument ce rôle avec plaisir, elles cherchent aussi à gagner en force et en indépendance pour diminuer les intermédiaires.

 

Dans les secteurs où elle est active, dans les biens et les services, en proposant des emplois localisés, en cherchant à se développer, l’économie sociale n’est-elle pas finalement le laboratoire d’une extension des circuits-courts à tous les domaines économiques ?

 

Joanne Clotuche – j.clotuche[@]saw-b.be

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