EDITO – Vacances, j’oublie un peu, beaucoup, pas du tout!

Juillet. Les transats sont sortis, les glaces fondent plus vite qu’un budget associatif en période d’austérité, et pourtant… dans le monde de l’économie sociale, la vigilance ne prend pas de vacances. Cette année encore, des structures patientent avec abnégation face à des annonces budgétaires bonnes ou mauvaises comme des automobilistes coincés sur l’autoroute du soleil en plein chassé-croisé entre juilletistes et aoûtiens. Ces fameux deniers qui permettent de planifier, d’embaucher, d’innover ou simplement de continuer à exister. Elles ont parfois l’impression de ressembler à ces touristes courant aux aurores pour poser une serviette sur un transat afin de s’assurer les meilleures places au bord de la piscine ou à des gentils organisateurs poussant les vacanciers à participer aux activités collectives et autres danses sur les tubes de l’été. L’heure n’est clairement plus ni à la Lambada ou à la Macarena. Alors que beaucoup profitent des vagues et du sable chaud, d’autres rament encore contre vents budgétaires et marées institutionnelles.
À SAW-B, entre un café glacé et une lecture engagée sous un parasol (on a le droit de rêver), on garde les yeux ouverts. Parce que sans moyens, pas de missions. Et sans missions, qui portera les valeurs que nous défendons?
Oui, il faut déconnecter. Non par indifférence, mais parce que l’engagement se régénère aussi loin des écrans, des réunions, des échéances, des livrables. Les vacances, ce ne sont pas que des cartes postales et des pieds en éventail, c’est aussi un acte de soin envers soi-même, un droit fondamental. Il devrait être accessible pour tout le monde. Flâner, se détendre, dormir, éteindre les ruminations et les inquiétudes, faire silence pour mieux entendre ce qui bruisse : les idées, les envies, les colères, les espoirs.
Si par miracle, nous parvenons à faire honneur au soleil et à plonger dans des eaux turquoise, un moustique teigneux, accompagné probablement de tous ses amis, saura nous rappeler qu’un seul petit être peut vous gâcher un moment délicieux. Les démangeaisons de si petits êtres sont suffisamment irritantes pour ne jamais oublier leur pouvoir de nuisance.
Le calme et la volupté d’un coucher de soleil sur la mer, d’une sieste sous des pins parasols, de routes sinueuses, de montagnes apaisantes sont des luxes accessibles uniquement à quelques privilégiés. En avoir honte ? Certainement pas. En avoir conscience, absolument. Pendant que nous lézardons, lisons, nous baignons, visitons, découvrons des coins plus ou moins reculés, nous savons que d’autres ploient sous le travail et/ou sous l’inquiétude du lendemain, dans une chaleur parfois harassante craignant les conséquences de l’appauvrissement et du délitement de notre système social. Nous partons avec cette conscience.
Certains peinent à faire tourner leur structure, d’autres peinent simplement à survivre. Le monde n’est pas en pause, même quand nous le sommes. Il continue de trembler, de saigner, de crier. À Gaza, sous les bombes, des familles tentent encore de trouver un abri. Les enfants meurent avant d’apprendre à construire des châteaux de sable, avant d’avoir découvert les beautés de ce monde, avant d’avoir appris à faire du vélo. Ailleurs, les forêts brûlent, les droits reculent, des exilés voient leur bateau détruit délibérément par des forces de l’ordre. Les images que l’on tente de tenir à distance nous rappellent que notre confort est fragile, et que notre responsabilité, elle, ne prend pas de vacances.
Dans ce contexte, l’économie sociale, loin d’être à la dérive, se transforme en bouée collective. Et si on doit écoper ensemble, alors on le fera. Mais surtout, on continue à construire le bateau d’un autre modèle économique.
Joanne Clotuche – j.clotuche[@]saw-b.be
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