Aller au contenu

Les Tournières – 20 bougies pour la coopérative immobilière liégeoise.

Siege-social-Volière-9_SITE

L’accès à l’immobilier est une question cruciale pour les citoyens mais aussi pour les associations. Il y a vingt ans, la coopérative immobilière d’économie sociale «Les Tournières» est née suite à une mobilisation citoyenne face à la vente du bâtiment qu’occupait l’asbl «Barricade», acteur incontournable de la vie associative liégeoise. Zoé Rongé, administratrice de «Les Tournières», coopérative membre de SAW-B, nous en raconte un peu plus…

 

Comment l’aventure «Les Tournières» a –t-elle commencée?

En fait, confronté au besoin crucial d’héberger l’asbl Barricade, les initiateur·rices du mouvement citoyen avaient identifié deux bâtiments qui correspondaient pour Barricade mais aussi à d’autres associations qui avaient des besoins d’hébergement au cas où ils n’arriveraient pas à acheter celui occupé jusque-là. Finalement, le mouvement ayant rassemblé une participation financière citoyenne et associative suffisante, il a été décidé d’acheter les deux!

 

Mais tout d’abord, qui est Zoé Ronge ?

Zoé est économiste de formation et après un parcours comme chercheuse à l’université de Leuven dans le domaine des finances publiques, le besoin de concret s’est fait sentir chez la jeune femme. Elle a été engagée par «Les Tournières» en 2020 pour réaliser une étude de faisabilité et l’opérationnalisation d’un système de garantie locative destiné aux locataires de leurs logements. Durant cette période, elle a investi dans la coopérative lors de l’appel de fond pour la boulangerie de «Sans patron» en 2021 puis, de fil en aiguille, elle s’est présentée et a été élue administratrice lors de l’AG de la coopérative «Les Tournières» en mars 2021.

 

Concrètement comment s’est monté le projet?

En fondant la coopérative immobilière, la vision était de permettre aux associations de se centrer sur leur mission, sur les besoins sociaux auxquels elles cherchent à répondre sans devoir disperser leurs forces dans la quête, la rénovation et l’entretien d’un bâtiment pour les héberger.

Dans cette aventure, le besoin de logement pour les particuliers est venu se joindre grâce à des associations partenaires dont la mission est d’accompagner des personnes ou des familles dans l’accès au logement. On s’est alors rendu compte que rassembler ces deux profils de locataires est bien bénéfique sur plusieurs plans. Tout d’abord, pour de simples questions d’équilibre économique et de justice sociale, regrouper différents espaces au sein d’un même bâtiment permet de réduire les loyers pour les logements et contribue à atteindre notre finalité d’accessibilité. Ceci parce que les loyers professionnels ou commerciaux sont plus chers sur le marché locatif. Mais aussi et surtout parce que notre modèle coopératif met en contact des associations, des citoyen·nes impliqué·es et facilite la mixité sociale ce qui ouvre à de nouveaux horizons, crée de belles dynamiques, développe des collaborations au bénéfice de toutes et tous. Au niveau individuel et collectif, c’est un modèle bien plus riche que celui dans lequel chaque association est propriétaire de son immeuble, chacune dans son coin.

Enfin, la vision de la coopérative est aussi de changer le rapport à la propriété fort présent en Belgique. Je ne sais pas jusqu’où il est modifié par notre action mais ce qui est certain c’est que le besoin de sécurité est rencontré car toutes les locations «Les Tournières» sont garanties à long terme. Or, le besoin de propriété traduit d’abord et surtout un besoin de sécurité. Enfin, chacun.e peut être locataire et coopérateur·rice, donc participer à l’AG et vivre le sentiment d’être copropriétaire de tous les immeubles «Les Tournières» et pas juste propriétaire de son logement!

 

Justement, ce modèle est intéressant mais peut-il suppléer à la crise du logement actuelle ?

Il est clair qu’en termes de chiffres, ce ne sont pas nos 20 immeubles et quelques 30 logements qui influent sur les prix ou qui garantissent l’accessibilité au logement pour tous! Par contre, notre modèle – outre ses aspects qualitatifs –  permet de répondre beaucoup plus rapidement à des situations d’urgence. Je pense aux inondations de l’été 2021 ou à des situations plus sensibles comme les violences conjugales. Plusieurs associations actives sur l’accès au logement dans le réseau «Des Tournières» – et souvent hébergées elles-mêmes au sein du parc immobilier de la coopérative – répondent chaque jour à ce type de situation. Le logement social ne peut pas y répondre avec la même rapidité. Les deux modèles sont complémentaires. Le modèle coopératif et citoyen que nous développons ne devrait surtout pas servir d’alibi aux pouvoirs publics pour se désinvestir de l’offre en logements sociaux car c’est chez eux que réside l’un des principaux leviers de régulation des prix et de la spéculation immobilière!

 

Vingt immeubles en vingt ans ! C’est quand même énorme surtout que les projets immobiliers sont coûteux et n’ont un retour sur investissement que très lent, surtout lorsqu’on pratique une politique de loyers modérés ! Comme avez-vous fait ?

Bien, il y a d’abord l’investissement citoyen et associatif qui correspond quand même aujourd’hui à plus de 300 coopérateur.rice.s et 1,2 millions de valeur monétaire des parts. Ensuite, nous avons été très entreprenants pour nouer des partenariats avec W.Alter, organisme financier de la Région wallonne pour l’Economie Sociale mais aussi des acteurs privés comme NEW-B, Crédal, F’in Common ou la Fondation Roi Baudouin afin de nous faciliter le montage des projets au plan financier. Notre notoriété nous a permis d’avoir des accords sur une ligne de crédit qui nous évite de reprendre les dossiers à zéro à chaque opération ou de bénéficier d’aides à l’acquisition. Il n’empêche qu’au niveau de la trésorerie cela reste souvent tendu car chaque opération immobilière amène sa part d’inconnu, d’impondérables et parfois de retard dans les travaux de rénovation… L’inflation et l’augmentation substantielle des prix des matériaux de construction ces dernières années ne nous facilitent pas la tâche non plus.

 

Vous avez 20 ans aujourd’hui… quels sont vos défis pour les 20 prochaines années ?

Nous sommes principalement occupés par deux défis pour les années à venir. Le premier est celui de la rénovation énergétique de l’ensemble du parc immobilier «Les Tournières». L’augmentation du coût des énergies ces dernières années mais certainement depuis l’hiver dernier nous alerte. Il nous faut construire un modèle de rénovation et de financement où la coopérative et ses locataires seront gagnants. Aussi, pour les années à venir, nos priorités sont les investissements dans la performance énergétique ainsi que l’optimisation des différentes aides à la rénovation énergétique. Aujourd’hui nous n’en sommes qu’aux premiers pas et nous effectuons un audit énergétique de l’ensemble de nos bâtiments.

Notre second chantier est la constitution d’une Fédération wallonne des coopératives immobilières d’économie sociale dont le projet pilote est actuellement financé par la Région Wallonne. Le but est de nous fédérer pour regrouper nos forces et poursuivre trois objectifs: développer le plaidoyer politique; faire des économies d’échelle par la mutualisation de certaines fonctions et le partage de savoir-faire; et enfin, mettre en place un système de garantie locative commun à l’échelle wallonne.

Sur ce dernier point, «Les Tournières» a développé un tel système à son échelle dans le cadre du projet pilote «Hestia» financé par la Région wallonne et la Fédération Wallonie Bruxelles. Il procure de nombreux avantages. Tout d’abord, il est plus souple et plus rapide que les systèmes de garantie locative mis en place par les CPAS. Ensuite, il permet aux personnes de se constituer une épargne dans la perspective où ils voudraient ou devraient déménager.

 

 

Vous l’aurez compris, « Les Tournières » est un projet innovant en matière de vivre ensemble et d’immobilier. Si cette brève interview vous donne envie d’aller plus loin, pourquoi ne pas aller à leur rencontre le 8 avril prochain, lors de leur fête d’anniversaire ? Demandez le programme !

 

 

 

Partagez :