L’économie sociale est partout, même dans les pompes funèbres!
Des articles papier, des passages dans «On n’est pas des pigeons», des capsules vidéos sur les chaines locales… Aeternia, le projet de pompes funèbres de la coopérative bruxelloise Alveus, est présent dans plusieurs médias! Tiens… Serait-on en novembre?! Rencontre avec Cédric Vanhorenbeke, un membre de SAW-B qui semble disposer de plus d’une vie.
Cédric a fait ses premières armes dans le monde de l’activisme altermondialiste. Attac, CADTM[1], contre-sommets du G8, Vredesactie avec des actions de Bomb spotting[2] pour défendre ses idéaux: dans sa jeunesse, il a tout tenté pour défier le système.
«C’est ce passé très militant, pour ne pas dire radical, qui explique un peu ma philosophie alternative aujourd’hui», confie Cédric. «Quand papa et maman ont décidé que c’était bien joli de jouer au rebelle, mais qu’il fallait payer les factures, j’ai accepté de travailler dans l’entreprise de pompes funèbres de mon grand-père.»
Révolutionner le monde des funérailles
Après trois ans à travailler dans l’entreprise familiale, l’âme militante de Cédric a refait surface. Impossible pour lui de suivre aveuglément les traditions sans y injecter un peu de vert et de valeurs alternatives. Il a donc décidé de quitter l’entreprise familiale, pour transformer le monde du funéraire.
«J’ai voulu créer une entreprise en adéquation avec mes valeurs, mes principes. Que tout soit aligné», explique-t-il. C’est ainsi que son projet de funérailles alternatives a vu le jour sous un modèle coopératif, une «coopérative à finalité sociale» qui incarne l’esprit de désintérêt financier, de transparence et de mission sociale.
Cédric est ensuite devenu membre du réseau SAW-B, partageant ses convictions écologiques, sociales et éthiques avec d’autres entrepreneurs sociaux.
Des funérailles plus écologiques
Des funérailles plus écologiques, cela implique de faire des choix entre crémation ou inhumation[3], celui de la sépulture (végétale c’est idéal)[4] ou du cercueil. On peut aujourd’hui trouver des cercueils de tout type dans les catalogues. L’important, c’est d’où ils viennent et comment ils sont fabriqués.
«Une grande partie de nos cercueils sont en osier local, en bois locaux ou en carton. Nous collaborons avec des artisans comme Anaïs, qui se fournit en cartons de grande taille dans des magasins locaux, qu’elle transporte en vélo cargo.» Et ça tient, même sous la pluie? «Oui, le carton résiste, même sous notre drache belge!» plaisante-t-il. Plutôt que des cartons recyclés, il utilise des cartons destinés au rebut, un choix qu’il considère comme le plus écologique.
L’humain avant le profit
Dans un secteur où la tentation de la rentabilité facile peut être forte, Cédric se distingue par son approche anti-capitaliste. « Je commence TOUJOURS par proposer le modèle le plus simple. Il ne faut pas culpabiliser et penser que ‘Maman valait bien un cercueil en chêne’. Pour la crémation, c’est loin d’être le choix idéal. »
Cédric pratique le zéro tentation. «Le montant que je perçois est le même quel que soit le modèle de cercueil. Je ne suis pas payé au pourcentage et n’ai donc aucun intérêt à vendre le plus cher. C’est pour moi la méthode la plus équitable pour les familles.»
Revenir au deuil à domicile
Cédric propose une alternative au «tout au funérarium», en réintroduisant le deuil à domicile. Ce choix, plus intime, permet aux proches de vivre cette période difficile dans un cadre familier.
«Il y a seulement 20 ans, tout se faisait à domicile. C’est une tendance récente, créée par et les funérariums, pour des raisons logistiques mais aussi publicitaires (cela visibilise l’entreprise d’amener les gens sur place). Et puis, cela permet de proposer d’autres services facturables comme la location du lieu, les boissons, les fleurs…».
Pour conserver les corps à domicile, il utilise des solutions plus respectueuses de l’environnement, comme des lits frigorifiques ou de la glace carbonique selon les saisons, et évite l’embaumement, une pratique extrêmement polluante.
Des funérariums publics pour des services plus équitables
Pour ceux qui ne désirent pas le deuil à la maison, il existe d’autres solutions. «On négocie avec un confrère pour qu’il nous héberge mais, le mieux, c’est la solution liégeoise: un funérarium public qui peut être utilisé par tout le monde. Les funérariums publics sont très utiles et permettent le développement de pompes funèbres locales et plus humaines. À moins d’hériter d’une entreprise funéraire, il est très difficile de se lancer dans le métier car financer la construction d’un funérarium relève presque de l’impossible. Mais aussi, actuellement, il y a une concentration du marché funéraire aux mains de gros acteurs, des complexes funéraires, qui rachètent tout et font disparaitre un à un les petits indépendants.
L’hyper-capitalisation existe aussi dans ce secteur. Les funérariums publics permettent un peu de lutter contre cela. C’est grâce à ce funérarium public que j’ai pu développer une clientèle liégeoise».
La difficile recherche d’équilibre
Malgré ses convictions et son modèle unique, l’entreprise de Cédric a failli disparaître il y a deux ans. La cause ? Une casserole économique que la coopérative traine depuis le début. «Notre premier projet était de construire un funérarium quasi passif. Vite repéré, il a été récompensé par le prix du ‘Bâtiment exemplaire 2013-2014 à Bruxelles’. Mais ce label exigeait que le bâtiment soit terminé en deux ans. Pour tenir les délais, notre coopérative a pris d’importants crédits. Malheureusement, nous avons perdu ce pari, tant dans le délai qui s’est révélé impossible à tenir que dans le poids des remboursements, bien trop lourds pour une starter.»
Le coup dur a été accentué par une baisse de sa visibilité sur les réseaux sociaux, laissant le champ libre à des concurrents moins scrupuleux.
Une nouvelle vie
C’est en 2020 qu’une idée novatrice vient redonner un souffle à son entreprise: la Corbicyclette, un vélo corbillard[5]. Une invention atypique qui attire l’attention des médias. «J’ai lancé la Corbicyclette pour renforcer ma démarche écologique et me démarquer. Ce n’est pas rentable, mais cela attire l’œil et me permet de revendiquer mon statut de pionnier.»
La Corbicyclette, c’est un hommage qui se fait au rythme des pédales, permettant aux proches de suivre à vélo et de rendre hommage de manière unique et lente. Un geste simple mais plein de sens.
Et demain?
Cédric n’a pas renoncé à ses ambitions: son funérarium écologique à Uccle reste en projet. «On se réinvente sans cesse. En offrant des funérailles différentes, on attire des familles ouvertes aux idées écologiques, mais on s’adapte aussi aux besoins plus traditionnels. Chaque famille a son rythme.»
À la croisée de l’activisme et de l’entrepreneuriat, Cédric continue de montrer que même dans le secteur funéraire, il est possible d’innover, de respecter ses valeurs et de donner une autre dimension à ce dernier hommage.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Découvrez le site internet de Aeternia. Suivez la très active page facebook ou encore sur instagram.
[1] CADTM = Comité d’annulation de la dette du tiers-monde.
[2] Dans les années 2000, Action pour la paix a organisé plusieurs actions de désobéissance civile sous le nom de Bomb spotting, où des militants entraient illégalement sur des bases militaires pour attirer l’attention sur des questions liées aux armements nucléaires.
[3] Voir l’article de la RTBF qui explique les différents choix possibles car il n’existe pas que la crémation ou l’inhumation.
[4] Dans les cimetières, Cédric réalise des sépultures végétales. «Au lieu de mettre un grand marbre chinois, on met une jolie bordure en pierre bleue du Hainaut et, au centre, un tapis végétal constitué de plantes et fleurs vivaces qui vont se succéder pour garnir la tombe tout au long de l’année.»
[5] Notre photo. Découvrez-la en images dans le reportage de Y a pas de planète b. (lien facebook).
©Aeternia by Alveus
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