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Fernande – La mémoire de SAW-B

Fernande_formidable

Le 31 mai 2022, nous avons fêté les 40 ans de SAW-B. L’occasion pour nous de réunir les anciens et anciennes, les nouveaux et nouvelles, et de prendre le temps de festoyer autour d’un verre et de quelques zakouskis. La personne formidable de ce mois ne pouvait donc pas être autre que notre chère et tendre Fernande, qui a fait son entrée chez SAW-B en avril 1990. Souvenirs, évolutions, défis, missions, nous avons discuté un long moment sur son parcours. Puits de savoir, elle désire aujourd’hui transmettre ses connaissances et son expérience à la nouvelle génération avant de prendre sa retraite à la fin de l’année. Récit et hommage !

 

Nous nous installons confortablement dans le « bureau de Fernande », véritable point de ralliement de l’équipe SAW-B. Soucieuse de fournir un travail consciencieux, elle a d’abord répondu à nos questions par écrit. Mais nous avons envie de creuser plus, alors nous prenons le temps de discuter plus en profondeur de ce qu’elle nous a raconté dans cette interview (qu’elle a pris le temps de photocopier pour nous).

 

Du CPAS à SAW-B

«Carolo de naissance et de cœur». Voilà les premiers mots qu’utilise Fernande pour se présenter. «Je suis née en 1957 et je suis la benjamine d’une famille de six enfants. Une famille pauvre mais riche en valeurs humaines. J’ai perdu ma maman très jeune mais j’ai essayé de m’en sortir. Je n’ai pas eu la chance de faire des études secondaires supérieures ou universitaires. J’ai fait des études techniques comme perforeuse-encodeuse». Un parcours de vie semé d’embûches durant lequel Fernande s’est retrouvée au CPAS avec ses deux enfants. Un événement qui s’est révélé être une chance pour elle : «Ils m’ont envoyée vers les écrivains publics qui étaient dans les Casernes de Trésignies à Charleroi afin de rédiger un CV. La personne en charge m’a informée que SAW cherchait une dactylo pour encoder du traitement de texte. Je me suis présentée à Linette et Max, nous étions deux candidates pour le poste. Je suis toujours reconnaissante à l’heure actuelle d’avoir croisé leur route».

 

Max et Linette, utopistes et libres

«Heureusement, il y a eu des personnes comme Max et sa femme Linette qui m’ont tendu la main et qui ont cru en moi » nous confie Fernande. Max, ex-prêtre et fondateur de SAW, et sa femme Linette, ont tenté toute leur vie de véhiculer les valeurs de l’économie sociale. «Max était un utopiste, et il avait raison de croire en un monde meilleur». Vous voyez, ce genre de personnes qui continue à porter un projet même après sa pension ? «Max venait ici alors qu’il était pensionné, il continuait à rencontrer les gens. Il venait nous voir, nous parler, nous écouter. Il s’est même mis à l’informatique et a continué à écrire des livres pour continuer à transmettre», nous raconte Fernande.

 

Se battre pour des valeurs

« Sans sa secrétaire, sans sa femme à journée, on n’est rien » semblait répéter Max Delespesse. Un rôle que Fernande prenait très à cœur : « J’étais la secrétaire. J’essayais de les soutenir dans ce qu’ils me demandaient pour faire en sorte qu’ils avancent sur le terrain et fassent bouger les choses. Au lieu de perdre du temps à faire des photocopies, je l’ai fait, et le fais encore. Je me sens comme un support depuis toujours!». Aujourd’hui, sa fonction a certes évolué mais elle n’en reste pas moins un socle important sur lequel se reposer pour que les événements se déroulent sans encombre : « Au fil des années, j’ai acquis des automatismes. Si je regarde l’évolution de ma carrière, je suis passée de dactylo en traitement de texte à trier des archives en passant par la gestion informatique. Petit à petit, selon les besoins, je m’adaptais à la composition et aux besoins de l’équipe ».

 

Une vision de l’économie sociale ancrée dans les gestes quotidiens

« Lorsqu’on parle de Charleroi, on ne va pas plus loin que la misère. Moi je défends ma ville car il y a de beaux coins par ici. Pour l’économie sociale, c’est pareil. La moindre petite chose que je peux faire comme répondre à un propos raciste, je le fais. J’essaie de montrer les bons côtés de la multiculturalité, sans choquer la personne en face. Dans les gestes du quotidien, j’essaie d’inculquer le recyclage à mes proches. Par exemple, mon compagnon ne triait pas, et maintenant c’est le cas. Avec le temps, il a compris l’importance de ces gestes » nous raconte Fernande, visiblement attachée à ne jamais brusquer. Mais ce n’est pas tout, comme Max Delespesse elle ne compte pas s’arrêter lorsque l’heure de sa retraite aura sonné : «J’ai déjà écrit aux Restos du cœur de Charleroi, leur proposer mon aide bénévole lorsque je serai pensionnée. Je vais y faire ce que je ne fais pas chez SAW-B: aller sur le terrain. Je veux continuer à garder le côté humain car, pour moi, c’est en échangeant qu’on apprend. Je suis toujours contente quand je me dis que j’ai fait ma B.A.».

 

Un combat perpétuel

C’est l’expression qu’utilise Fernande pour décrire le mouvement de l’économie sociale. «Même si on voit les avancées, que les gens ne lâchent pas, c’est très épuisant. Aujourd’hui, chez SAW-B, on essaie de trouver des subsides structurels pour pouvoir avoir un réel impact et perdre moins de temps dans la recherche de financements. On ne veut pas faire que ça!». Le site de Monceau-Fontaines, sur lequel est implantée SAW-B depuis longtemps est aussi une preuve de l’évolution des choses. Bien que, du point de vue de Fernande, il existe un biais par rapport à la perception de l’extérieur : «Monceau-Fontaines n’est pas un zoning d’entreprises sociales d’insertion! Il y a aussi des coopératives, des asbl. C’est le rôle de SAW-B, à travers nos analyses et cetera, de porter ce message».

 

Les derniers mois de Fernande chez SAW-B 

Le rôle de Fernande, vous l’aurez compris, c’est aussi un travail de mémoire. C’est pourquoi un de ces objectifs avant de quitter le navire SAW-B est de finaliser le rangement de nos nombreuses archives: «Tout ce qui traine encore, je dois le scanner, le mettre sur le cloud, puis jeter. J’ai fait un gros travail dont le but est de retirer l’essentiel et le mettre à disposition pour les suivant·e·s. Tout numériser, classer». Ce rôle de transmission ne s’arrête pas à cela: «Il y a aussi de l’informel. Par exemple, hier nous sommes allé·e·s manger dehors et j’ai discuté avec notre collègue François. Nous avons commencé à parler de Bruxelles, et de là j’ai pu lui raconter comment nous avons rajouté le « B » à notre acronyme. Je lui ai expliqué l’histoire de notre nom, de comment nous avons justifié notre implantation sur Bruxelles. Après cela, je lui ai envoyé les documents sur l’histoire de SAW-B. Et sinon, dans un autre registre, si on parle d’un événement de SAW-B, je montre une ancienne photo. Tant que je suis là, je continue à transmettre ce que je sais.»

 

Le petit mot des copilotes Quentin et Jean-François …

« Nous fêtons cette année les 40 ans d’existence de SAW-B. La fin de cette année 2022 sera aussi marquée par un nouveau début pour notre collègue Fernande Cobergh. Nous associons les deux événements… Pourtant, Fernande n’était pas présente à la création de notre association, elle l’a rejointe un peu plus tard. Mais c’est qu’elle l’incarne, elle en est un des piliers. Elle joue au sein de l’équipe ce rôle indispensable de la mémoire qui nous a permis de rester fidèles aux idéaux de départ tout en étant inventifs. Lorsqu’on évoque devant elle des termes comme « départ », « retraite », elle s’en offusque car elle est fondamentalement positive. Et pourtant, nous n’avons pas manqué de déconvenues en 40 ans. Mais aussi d’avancées! Par un travail quotidien de grande qualité, trop peu visible, elle y a grandement contribué. Pour tout cela, nous lui sommes redevables et ne pouvons que la remercier et lui souhaiter « bonne route » ».

 

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