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Interview – Cobea Coop, quand les conflits nous font avancer.

Cobea, vivre un conflit en entreprise

Ecrire sur le conflit, voilà un sujet complexe mais motivant. Quelle entreprise d’économie sociale allait être prête à partager son expérience? Le conflit est souvent abordé de manière informelle mais plus rarement partagé ouvertement. Et pourtant, n’a-t-il pas des choses à nous apprendre sur le fonctionnement de nos entreprises pour mieux collaborer? Cobea Coop, membre de SAW-B, a accepté d’en parler en toute transparence. 

 

Pour parler du conflit et de ce que nous pouvons en retirer de positif ou comme expérience apprenante, j’ai rencontré Lorraine Frenet. Elle est webdesigner et graphiste chez Cobea Coop, une coopérative de création de sites web qui accompagne les entrepreneurs et les organisations à développer une communication digitale durable à coûts maîtrisés grâce à des méthodes collaboratives et à une plateforme mutualisée.

«Nous sommes 9 coopérateur·trice·s pour l’instant, ce nombre évolue en fonction des activités de chacun·e car nous avons pour la plupart d’autres activités en parallèle. Notre particularité est qu’on fonctionne en mutualisant nos compétences et en ayant une gouvernance partagée. Nous sommes toutes et tous sur un pied d’égalité.

Nous travaillons principalement avec des entreprises d’économie sociale, des centres culturels et des organisations actives dans la transition écologique.»

Qu’est-ce qui a motivé Cobea à répondre à notre appel pour cet interview? «C’est en partageant que l’on réalise que ce qui a été mis en place provoque des retours positifs, et cela nous permet de nous rendre compte du chemin parcouru!»

 

Quand  l’idéal est confronté à la réalité.

Aborder le conflit dans une entreprise d’économie sociale, facile ou pas facile? Plus difficile selon Lorraine, «Parce que dans une entreprise traditionnelle, cela paraît sans doute plus normal que l’on vire des gens. Dans l’économie sociale, on a parfois encore la vision idéale que ça ne devrait pas exister. Les choses sont plus difficiles quand elles touchent à nos valeurs.»

«Chez Cobea, il y a parfois des conflits interpersonnels qui sont souvent liés à des problèmes de communication ou des manières de travailler ensemble qui sont différentes. Mais tant qu’il y a de la place pour la discussion et que l’on reste transparent, on trouve des solutions. 

Il y a quelques années, nous avons vécu un conflit plus important. Une personne avec laquelle plusieurs coopérateurs rencontraient des difficultés dans la manière de travailler, avec des manquements et des erreurs. Ce qui commençait à porter préjudice à la coopérative.

Au départ, nous avons laissé traîner les choses car l’idée de licencier ou d’exclure quelqu’un de la coopérative allait à l’encontre de nos valeurs d’ouverture. C’est difficile de se dire que parfois on ne peut pas collaborer avec une personne. Notre mode de fonctionnement ne convient pas à tout le monde. Pour la première fois nous avons dû faire des choses en « secret » car la situation était sensible. Or pour Cobea, la transparence est une valeur importante. Il faut alors requestionner nos valeurs pour se dire que, dans la réalité, ce n’est pas toujours possible.»

 

Expérimenter le conflit et prendre conscience.

Le conflit fait partie de la vie de toute entreprise. Evidemment, il y différents degrés de conflit et une diversité dans la manière de le gérer.

«Le conflit avec ce coopérateur nous a poussé à mettre en place la procédure que nous appelons « 007″. Nous avons eu besoin de nommer rapidement et facilement cette procédure dans un contexte difficile. Elle permet de consulter plusieurs membres de l’équipe de manière confidentielle pour récolter l’information avant de rencontrer la personne. Le processus mis en place prévoit plusieurs étapes: une collecte d’informations sur les situations problématiques, une rencontre avec la personne pour aborder le problème, un échange et une demande à la personne de revenir avec des réponses constructives par rapport à la situation. Nous tentons vraiment de trouver une solution. Malheureusement, dans ce cas précis nous avons finalement mis fin à la collaboration.»

Le conflit n’est pas nécessairement un moment agréable à vivre. Et pourtant, de chaque conflit peut ressortir des apprentissages comme le partage Lorraine: «Cette expérience a renforcé les liens avec celles et ceux qui étaient là lorsque nous avons vécu ce conflit. Il a été important pour nous de se dire que nous avions pu dépasser cette difficulté.

Aujourd’hui, nous arrêtons notre processus d’inclusion plus rapidement lorsqu’on se rend compte que la collaboration n’est pas possible. Et avoir pu définir un processus d’exclusion clair, validé par tous, nous permet d’être plus serein.

Ce type de situation nous fait expérimenter les limites de notre fonctionnement. Par exemple, nous avons aussi pris conscience que, plus on grandit en termes de nombre de coopérateurs, plus il est nécessaire de faire évoluer notre mode de fonctionnement.»

 

Nous créons notre idéal.

Pour Lorraine, la chose à retenir de cet échange et de cette expérience, c’est que «l’écosystème que nous avons créé nous convient à nous et vise notamment le bien-être des personnes. Mais il est important d’avoir conscience que ce modèle ne correspond pas à tout le monde. Nous avons tendance à penser que cela devrait être LE modèle idéal. Or, pour certains, un fonctionnement plus hiérarchique convient très bien. Il reste essentiel de tenir compte des besoins et possibilités de chacun.»

 

Que peut-on apprendre de ce partage d’expérience? Le conflit reste un sujet délicat à aborder. Mais quelle que soit l’expérience, prenons le temps d’analyser la situation car cela nous permet d’améliorer notre manière de collaborer.

 

 

 

PS: Si le sujet vous intéresse, nous organisons deux activités:

  • une formation « Gérer les conflits pour qu’ils soient moteurs de démocratie dans l’entreprise »:Ouvrir la porte à une gestion plus participative dans son entreprise, c’est aussi ouvrir la porte à d’interminables débats et conflits. Le conflit est-il nécessaire à une vie démocratique en entreprise? Peut-on vivre un conflit positivement et en faire un moteur? Lors de cette formation, nous identifierons quelles sont les conditions de gestion positives d’un conflit pour des échanges démocratiques, riches et bienveillants pour apprendre du conflit et progresser – formation le 17 octobre.
  • un midi de la coopération en visio « Comment travailler avec le conflit au sein de son entreprise d’économie sociale? » Pour découvrir un outil et le mettre en pratique. Ce sera également l’occasion de s’essayer à l’écoute active et au B.A.-ba de la communication non violente – visio le 10 octobre de 13 à 14h. Inscription.

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