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Communa – Occuper la ville et y concevoir la vie en communs.

Communa occupation temporaire

L’économie sociale se fonde sur les mouvements associationnistes du début du 19e siècle. Deux conditions d’émergence de ces mouvements étaient centrales: la condition de se rassembler autour d’un besoin commun et celle de l’édification d’une identité collective.

Deux siècles plus tard, des collectifs se constituent selon cette même aspiration autour de la nécessité de reconstruire des communs et du commun. L’asbl Communa en fait partie et défend son projet d’occupation temporaire depuis 10 ans. Nous avons rencontré Adrien Basiliades et Oscar Bellier qui travaillent au pôle «Accompagnement» pour en parler.

 

Communa, c’est quoi, c’est qui ?

Nous sommes en 2013. Cinq amis vivant dans un squat bruxellois s’intéressent au modèle de l’occupation temporaire qui permet l’usage d’un bâtiment laissé vacant par son propriétaire entre deux affectations. Qu’il s’agisse de bureaux ou de logements, l’utilité du bâtiment est garantie par une convention-type entre les usagers et le propriétaire sur un temps limité qui démontre la nature temporaire de l’occupation.

Chez Communa, le souhait de faire reconnaitre et d’institutionnaliser l’occupation temporaire à finalité sociale émerge très vite. Après un premier lieu géré sous convention, c’est un deuxième puis un troisième qui sont érigés. Le groupe de cinq amis s’élargit jusqu’à une dizaine de personnes en 2017 pour ensuite se professionnaliser.

En 2019, le projet de Communa s’essaime et occupe six lieux. De nouvelles collaborations voient le jour notamment avec le Samu-Social, Diogène, l’Ilot ou encore Infirmiers de Rue. L’année 2022 marque alors un tournant pour l’asbl puisque ce sont dix lieux qui sont actifs encadrés par une équipe de 43 personnes salariées. Environ 400 personnes sont logées et on compte 200 structures partenaires dans le projet d’occupation temporaire de Communa. Aujourd’hui, le format de l’occupation temporaire menée par l’asbl est pleinement reconnu.

 

Pour une occupation temporaire à finalité sociale

Au fil des ans, Communa a affiné son approche et sa vision de l’occupation temporaire à finalité sociale. «C’est un outil permettant d’accompagner la mutation de la ville au bénéfice des personnes les plus précaires» nous indique Adrien Basiliades. Cette mutation s’opère par l’occupation de bâtiments vides, «sans vies» et complètement détachés du maillage urbain visant à répondre à l’urgence de la crise du logement. Cette démarche se concrétise dans l’obtention d’un premier toit pour des personnes sans-abri, dans l’organisation de l’accueil de personnes réfugiées ou dans l’offre d’espaces destinés à des activités non-marchandes. L’occupation temporaire est finalement davantage un moyen qu’un but pour répondre aux besoins des citadins. Communa veille aussi à ce qu’un bâtiment investit sous occupation temporaire soit par la suite utilisé en cohérence avec son histoire et son quartier.

En ce sens, l’occupation temporaire est un «outil transposable, qui a pour vocation de donner une couleur à un territoire dont la finalité sociale est de secouer et réveiller la ville» souligne Oscar Bellier.

 

Comment cela se vit sur le terrain?

L’asbl défend une autre manière d’habiter et de concevoir la vie en communauté. Cette proposition est profondément militante et politique. Réveiller la ville passe par l’occuper. «Faire le pied de grue, mettre un caillou dans une botte pour la changer et enfiler une autre, c’est ça sensibiliser à la cause du droit au logement dans une ville qui perd ses liens» indique Oscar Bellier. Pour que les bâtiments ne soient plus vides, il ne faut pas seulement les occuper mais aussi y rassembler des besoins pour ouvrir de nouvelles voies qui touchent au logement mais aussi à d’autres domaines comme l’emploi. Donner une autre saveur à des lieux, c’est participer à un nouvel élan de la ville qui touche toutes les personnes qui y vivent.

Ces opportunités sont possibles dans le travail d’essaimage que mène Communa. « On a une démarche qui vise à mettre plus de cailloux dans les bottes, c’est un vrai travail de plaidoyer et aussi de démarchage » ajoute Adrien Basiliades. Pour ce faire, Communa se présente comme accompagnatrice en projet d’occupation temporaire à finalité sociale. Elle offre une vision d’un territoire, d’un quartier permettant de comprendre son lien avec les bâtiments et son influence sur ceux-ci. Cet accompagnement se réalise aussi dans l’aide à la rédaction des conventions d’occupation temporaire. Ce service d’accompagnement demande également à l’asbl de créer un réseau, de trouver de nouveaux espaces et partenaires en vue de rendre autonomes de jeunes projets d’occupation temporaire. Communa propose une véritable boîte à outil de l’occupation temporaire permettant d’assister des collectifs et des autorités publiques dans leur projet.

Pour résumer, occuper et essaimer sont deux missions centrales parmi les six que Communa fait vivre au quotidien.

 

Les six missions de Communa en six verbes:

  1. Occuper
  2. Mutualiser
  3. Pérenniser
  4. Essaimer
  5. Fédérer
  6. Institutionnaliser

 

Une vision ancrée dans un tissu économique

Communa a été longtemps un projet bénévole. Aujourd’hui, les personnes qui y travaillent ne vivent plus dans la précarité salariale. C’est tout un modèle économique particulier qui a dû être mis en place.

Premièrement, Communa n’a jamais payé de propriétaire pour occuper un bâtiment. L’occupation temporaire vise à redonner vie à un bâtiment, par sa réhabilitation et aussi par son ouverture au quartier. Tout ce travail a des retombées économiques pour les propriétaires et pour les habitants. C’est le cœur du modèle de l’occupation temporaire.

Deuxièmement, Communa a dû faire reconnaitre le modèle auprès des autorités publiques. L’enjeu fut de démontrer aux politiques que le travail de l’asbl était une mission censée revenir à la Collectivité. En échange de ce travail mené dans le cadre de l’occupation temporaire, Communa a pu demander de l’argent aux instances publiques. Exemple emblématique, le bâtiment Maxima appartenant à la Commune de Forest accueille aujourd’hui des logements sociaux, des espaces de bureaux et de loisirs mis sur pied par Communa et les partenaires actifs sur le site. D’année en année, les projets se multiplient avec les services publics si bien que ce n’est plus à l’asbl d’approcher les politiques. En effet en 2022, la Région bruxelloise, manquant de forces vives, demande à Communa d’organiser en urgence l’accueil de réfugiés ukrainiens. C’est encore une reconnaissance supplémentaire pour Communa.

L’asbl dégage maintenant 1,2 millions d’euros de chiffres d’affaires dont 850.000€ sont des subsides et aides publiques notamment pour ses missions de réhabilitation de bâtiments publics à des fins sociales et aussi d’hébergement d’urgence. «Nous avons atteint une stabilité économique qui est nécessaire pour le maintien de notre travail d’occupation temporaire à finalité sociale et sa portée politique» souligne Oscar Bellier.

 

Un ADN qui n’a pas changé

Partant du milieu du squat à ces débuts avec lequel Communa garde de nombreux contacts, le projet d’occupation temporaire à finalité sociale de Communa a énormément évolué. Son développement n’a pas changé l’ADN de l’asbl qui est de (re)créer du lien entre les personnes dans la ville de Bruxelles enlisée dans une crise du logement. «Continuer à sensibiliser à l’occupation temporaire les propriétaires privés et publiques, c’est permettre aux gens de sortir de la précarité» conclut Adrien Basiliades.

 

Olivier de Halleux.

Communa accroche

Le site de Communa: https://communa.be/

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