Aller au contenu

L’ADMR – Ces métiers de l’ombre, essentiels et si peu soutenus.

ADMR interview

L’ADMR, aide à domicile en milieu rural, est une structure qui existe depuis 70 ans pour accompagner tout citoyen dans son milieu de vie. La structure couvre 50% du territoire wallon, sur base de six antennes régionales, dans les milieux ruraux et semi-urbains. Une action cruciale, d’autant plus quand les interventions à domicile sont de plus en plus rares. Brigitte Pierrard, sa directrice et également membre de l’Organe d’Administration de SAW-B, nous en parle.

 

Peux-tu nous parler des métiers de l’ADMR ?

Le métier historique de l’ADMR, ce sont les aides familiales. C’est un métier qui peut déployer une grande polyvalence en termes d’intervention. L’aide familiale peut faire du ménage, les courses, les repas, le lever, aider pour s’habiller, accompagner aux rendez-vous médicaux, faire du repassage, tenir un ménage un peu droit en quelques sortes. Ces travailleur·ses interviennent dans les moments où il peut être compliqué d’accomplir certaines tâches ou activités. Des tâches que, d’ordinaire, on fait un peu mécaniquement.

Au fur et à mesure des années et des évolutions de la société, d’autres métiers se sont déployés.

Les gardes à domicile sont des aides familiales qui accompagnent sur un plus long terme. Elles font des nuits, pour des personnes qui ne peuvent pas rester seules. Elles accompagnement souvent la fin de vie.

Les aides ménagères sociales s’occupent de l’entretien ménager mais toujours en présence des bénéficiaires. Leurs missions intègrent pleinement l’attention à porter à un bénéficiaire. Elles peuvent observer la personne, ses besoins et faire remonter si la situation évolue. Elles ont une forme de rôle de vigie, en plus de leur métier premier d’entretien de la maison.

 

Pour orchestrer tous ces métiers mais surtout pour évaluer les besoins des bénéficiaires, les assistantes sociales jouent un rôle majeur. Elles sont les cheffes d’orchestre pour organiser l’aide à domicile, rencontrer le bénéficiaire, organiser les horaires, déterminer les prestations. Le besoin peut évoluer de manière régulière et l’assistance sociale entend cette évolution, que cela vienne du bénéficiaire et/ou de ses proches, des prestataires…

 

1600 travailleuses dans les 6 antennes régionales 7000 bénéficiaires par année mais en aidant une personne au domicile, on aide aussi l’entourage qu’il vive sur place ou ailleurs donc c’est bien plus de 7000 personnes qui sont touchées  au final.

 

Peux-tu nous expliquer pourquoi l’ADMR s’inscrit dans l’économie sociale?

Pour certains, l’inscription de l’ADMR dans l’économie sociale peut surprendre, «elle va moins de soi», mais nous jouons un rôle économique important. Nous proposons et produisons beaucoup de services et de prestations qui génèrent de l’activité économique et de l’argent. Avec 1600 travailleurs et 7000 bénéficiaires, nous devons avoir une gestion exigeante et exemplaire, et notre action doit très professionnelle. Chaque euro doit être utilisé toujours dans une fin d’amélioration de notre finalité sociale. C’est pour ça que je suis à l’aise à défendre notre place au sein de l’économie sociale.

Être membre de SAW-B poursuit cette volonté. La ligne de conduite tracée par SAW-B nous pousse à être meilleur par ses questionnements, ses interpellations.

 

L’ADMR, comme d’autres secteurs, ont été en première ligne pendant le COVID. Quatre ans après le début de la pandémie, quelles conséquences a-t-elle eu?

Bizarrement, la crise Covid a été pour le secteur du domicile, qui est un secteur de l’ombre peu connu et même peu reconnu, un moment où on a identifié toute notre plus-value dans la société d’aujourd’hui. L’aide à domicile est le dernier filet de sécurité des gens chez eux, c’est à ce moment-là que ça a été flagrant. Sans nous, de nombreuses personnes auraient été totalement isolées, dans l’impossibilité de se nourrir, de se laver, de se lever, des choses tout à fait basiques et essentielles. Si nous n’avions pas été là, je ne sais pas ce que ces personnes auraient fait.

Il y a eu un phénomène de prise de conscience, y compris dans notre propre secteur, du rôle essentiel que nous jouons dans notre communauté. Par contre, les conséquences ne sont pas neutres. L’après COVID n’est pas simple à gérer. Comme d’autres, nous avons connu un taux d’absentéisme en 2021, 2022 et encore en 2023 qui a augmenté. C’est un phénomène plus compliqué à gérer. Il y a aussi beaucoup plus de turn-over. Les gens se sont questionnés, quelque que soit le métier (prestataires, encadrement…), sur ce qu’ils font : « Est-ce que c’est ça que je veux continuer à faire ? ». On sent que la main d’œuvre est beaucoup plus volatile. C’est plus difficile à gérer et on a eu des problèmes de recrutement.

 

Continuer à encadrer les bénéficiaires avec la même qualité, la même intensité, avec une main d’œuvre moins présente, plus volatile et en questionnement de sens, c’est compliqué. Cela requestionne fondamentalement toute notre vision managériale. Comment faire? Comment se positionner face à ce marché d’emploi qui évolue? Comment le gérer?

 

L’après COVID combiné avec la crise économique et la crise énergétique, notamment en termes de subventions pas indexées ou pas suffisamment. Economiquement, toutes nos organisations SAFA (services d’aide aux familles et aux aînés) connaissent, depuis 2022, un point de bascule au niveau économique et la situation est vraiment en péril. Nous devons nous pencher en urgence pour gérer autrement, que ça coûte moins cher, pour économiser. Une nécessité et une urgence à réfléchir nos services autrement.

 

A deux mois des élections, vous portez des revendications?

La Fedom, Fédération d’employeurs des services qui ont pour mission d’améliorer l’aide apportée aux familles et aux personnes isolées, a neuf revendications prioritaires pour notre secteur. Je vais en citer trois.

  1. Garantir l’accessibilité pour nos services pour les bénéficiaires. La tarification imposée par la Région wallonne n’est plus adaptée et les bénéficiaires réduisent les prestations parce qu’ils trouvent ça trop cher alors que le besoin est là. Nos services doivent être accessibles quels que soient les moyens.
  2. La pérennité financière des SAFA est en danger, surtout depuis 2022. Un audit financier externe des SAFA fait par un consultant externe montre vraiment ce point de bascule en 2022. L’indexation des salaires non suivie par l’indexation des subventions, la tarification pour les bénéficiaires et l’absentéisme sont les quatre causes de cette situation très très difficile.
  3. La norme de croissance de nos services est fixée année par année. Nous n’avons aucune perspective sur la croissance de nos moyens. La norme est donnée pendant l’année en cours et il est difficile de se projeter à 3 ans ou à 5 ans en termes de recrutement, de déploiement parce que les moyens ne vont pas diminuer avec le vieillissement de la population.

 

En 2018, l’ADMR a évalué son impact social. L’enquête qualitative et quantitative menée auprès de 2500 bénéficiaires a notamment mis en avant l’importance de combiner des actes techniques et des actes humains pour améliorer le bien-être et la qualité des services de l’ADMR.

Les aides familiales sont indispensables pour que l’on puisse vivre notre vieillesse le mieux possible à la maison, elles ne servent pas uniquement à faire les tâches, mais à avoir un lien social. Je les respecte beaucoup – Suzanne, bénéficiaire

Au début, j’ai eu dur parce que je n’ai jamais eu besoin de demander de l’aide. J’étais autonome. Je faisais plein de choses. La maladie plus le fait de dépendre… au début, cela me semblait drôle que quelqu’un vienne chez moi pour nettoyer et tout ça. Et puis maintenant je n’ai plus aucun problème. – Marie, bénéficiaire

Le fait d’avoir une présence ici me permet de garder mon autonomie, c’est essentiel. Je ne me vois pas encore entrer en maison de repos ou en résidence ou quoi que ce soit. Je devrai peut-être y passer mais tant que je peux rester. – Jean, bénéficiaire

Extraits de l’évaluation d’impact de l’ADMR

 

L’ensemble de l’enquête et des interventions dans les médias en lien avec cette enquête sont disponibles sur le site de l’ADMR. https://www.admr.be/fr/impact-social-0

Pour en savoir plus : Site de l’ADMR.

Partagez :