EDITO – Si le personnel soignant arrête de travailler, on fait quoi?
Les agriculteurs peuvent-ils crier victoire ? Oui et non. Quelques revendications ont été entendues. Pour certaines, elles améliorent un peu la situation. Pour d’autres, c’est une victoire pour quelques représentants de l’agro-industrie principalement mais une défaite pour l’environnement et un échec pour un changement pérenne pour les revenus des agriculteurs.
Ironiquement, le mouvement a le mérite de prouver qu’un combat social, légitime, émanant de la base avec des actions concrètes, des manifestations peut encore aujourd’hui amener des résultats. Bloquer la capitale, entraver la circulation, mener des piquets pour empêcher les arrivées et départs des dépôts logistiques des supermarchés, cela marche.
Tout cela avec le soutien d’une population qui, elle aussi, comprend l’importance d’un revenu décent pour les agriculteurs et agricultrices et la nécessité de produire des aliments de qualité.
Maintenant, on attend avec impatience la prise en compte des revendications des acteurs et actrices du monde de la santé, du care, du médico-social qui réclament depuis des années des changements forts pour une amélioration des conditions de travail et de vie des professionnel·les et une meilleure qualité d’accompagnement et de soins des bénéficiaires.
Le pouvoir de blocage de ces professionnel·es est bien sûr tellement impactant pour la vie qu’il n’est pas réalisé dans son plein potentiel, mais on imagine mal comment des politiques seraient insensibles aux demandes légitimes de ces travailleur·euses dont l’action quotidienne a des conséquences aussi énormes sur la population.
Est-ce une utopie d’envisager ces changements ? Oui, au regard de la dégradation ou devrait-on dire DES dégradations des conditions de travail, de soin et d’accompagnement qui ne cessent de s’aggraver. Ces détériorations ne sont pas neuves, elles ne sont pas non plus circonscrites à un domaine spécifique de la santé (comme les hôpitaux, par exemple) mais touchent l’ensemble des secteurs psyco-médico-sociaux. Les alertes sont permanentes avec un sous-financement important, une vision managériale basée sur le chiffre, le minutage des actes techniques, etc. et une négation de plus en plus forte du rôle social des travailleurs et travailleuses, du contact humain, de l’empathie, de la prise en compte de chacun·e dans toutes ses dimensions, essentiel à tous ces secteurs.
Les revendications sont bien sûr d’ordre professionnel, mais elles sont aussi sociétales. Chacun·e de nous est concerné·e.
Leur combat est notre combat.
Aujourd’hui, demain, nous avons besoin d’un système de soin et d’accompagnement à la hauteur des enjeux actuels et futurs.
Nous sommes les patient·es qui avons besoin que le personnel soignant nous regarde au-delà de la maladie et des maux.
Nos enfants sont les jeunes qui ont besoin de trouver des personnes pour les accompagner quand ils souffrent d’un monde qu’ils ne comprennent pas toujours.
Nos parents ont envie de rester chez eux aussi longtemps qu’ils le peuvent et le veulent avec des aides présentes et à l’écoute ou qu’ils puissent trouver un lieu sécurisé et sécurisant dans des espaces adaptés à leur perte d’autonomie.
Leur combat est notre combat.
Il est fou de se dire que certains de celles et ceux qui s’emportent sur les personnes qui doutent de la science et de la médecine soient les mêmes qui n’écoutent ni le personnel soignant quand il dit que le système va mal ni les scientifiques qui disent qu’une mauvaise alimentation, les inégalités, la pollution, les pesticides… coûtent cher à la société, que la prévention et des réglementations pertinentes sont un investissement sociétal moins onéreux.
Leur combat est notre combat !
Le secteur psycho-médico-social a besoin de notre soutien. Pas de quelques applaudissements à une fenêtre, mais qu’on soit avec lui, qu’on réclame qu’il ne soit ni une variable d’ajustement ni un privilège bourgeois.
Comment ?
Relayons les revendications, manifestons, interpellons les politiques, racontons et montrons toutes les fois où les professionnel·es du soin, du social font un travail merveilleux, chérissons notre chance de ne pas avoir besoin d’eux·elles ou, au contraire, d’avoir tellement besoin que nous sommes content·es d’y avoir accès.
Faisons-le pour nous, nos enfants et nos parents ! Pour notre voisine et notre ami·e ! Pour celles et ceux qui en ont besoin ou non.
Leur combat est notre combat !
Joanne Clotuche – j.clotuche[@]saw-b.be
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