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RESSOURCES – ou comment faire perdurer la valeur de nos objets

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En 2016 déjà, SAW-B se posait la question suivante : «quelle intersection entre nouveaux modèles économiques et économie sociale?». Nous y abordions notamment le concept d’économie circulaire, que nous définissions comme un «modèle hybride». Qu’en est-il aujourd’hui, cinq ans plus tard? Pour nous éclairer, nous nous sommes entretenus avec Jean-Marc Caudron, directeur de la Fédération RESSOURCES, la fédération qui représente les entreprises sociales et circulaires du secteur de la réutilisation des biens et des matières, et soutenue par SAW-B lors de sa constitution en 1999.

 

«Nous sommes à la jonction de deux grands enjeux sociétaux. D’une part, l’économie sociale, son développement, son impact. Et d’autre part, l’économie circulaire». Historiquement, les membres de RESSOURCES sont actifs dans la collecte, le tri, la réutilisation des déchets. « On peut par exemple citer les ressourceries, les Petits Riens et énormément de petites structures dont l’activité est basée sur un territoire local. Le secteur évolue de plus en plus vers des activités et ateliers de réparation (Repair Together) qui forment des métiers de valoriste et de réparateur» développe Jean-Marc Caudron.

 

Economie circulaire, un concept moins récent qu’il n’y parait

L’économie circulaire pourrait passer pour un concept révolutionnaire qui n’existe que depuis peu. En fait, c’est le cœur de métier des membres de RESSOURCES depuis plus de 70 ans. Leur but est de développer l’activité économique et les chaines de valeur pour préserver les ressources au maximum. «Notre vision, c’est celle d’une économie où les personnes travaillent en circuit le plus fermé possible et idéalement sur un territoire donné. L’objectif est de valoriser le plus localement possible les ressources disponibles sur un territoire. Et cela passe par l’identification des ressources non exploitées aujourd’hui, celles qu’on traite comme des déchets, pour les réutiliser en passant par le moins de transformation possible. Lorsqu’on y pense, un meuble n’est qu’un assemblage de planches qu’on peut valoriser ou réutiliser» développe Jean-Marc Caudron.

 

L’art du collectif et de la récup

L’économie circulaire existe donc depuis belle lurette et se développe chaque jour. De nombreuses activités qui suivent deux objectifs : allonger au maximum la durée de vie des objets et intensifier leur utilisation. Mais il existe d’autres économies connexes qui, elles aussi, prennent de l’ampleur. C’est le cas par exemple de l’économie de la fonctionnalité. Une économie où l’on bascule d’une offre de biens vers une offre de services, du leasing, de la location. Jean-Marc Caudron illustre ce propos: «C’est par exemple mettre à disposition une flotte de vélos pour une ou plusieurs entreprises, ou d’autres objets dont on a besoin seulement une à deux fois par an comme une tondeuse ou une tronçonneuse. Autant la jouer collectif et l’utiliser quand on en a besoin, puis la remettre à disposition». Mais ce n’est pas tout! Vous pouvez aussi faire appel à une entreprise d’économie sociale pour des activités de maintenance: «Nos membres préparent des électroménagers pour les vendre en seconde main. Sur ce créneau, nous devrions d’ailleurs de plus en plus travailler avec des entreprises d’économie classique. Par exemple, Vanden Borre a contacté RESSOURCES et ses membres pour former leurs membres du personnel. Cette collaboration fera en sorte qu’ils pourront assurer le travail de maintenance et de réparation d’appareils électroménagers ou le sous-traiter à des entreprises d’économie sociale».

 

Sur le plan conceptuel, l’économie circulaire s’inspire de la nature, dont les cycles de vie ne produisent aucun déchet. Par exemple, les feuilles mortes qui tombent d’un arbre forment un manteau qui protège les racines du froid et du gel, et qui a des propriétés nourricières. De fait, l’économie circulaire a pour objectif d’utiliser les ressources naturelles avec efficience, en les faisant circuler en «boucle», afin de réduire son impact sur l’environnement, tout en assurant le développement du bien-être humain. Elle ne se réduit donc pas à la seule durabilité des matières premières. En effet, elle appelle également à une réforme de l’organisation de l’économie : coopération, co-création de valeur entre acteurs, et décloisonnement sectoriel.1 [SAW-B, « Nouveaux modèles économiques : tour d’horizon«  2016]

 

Jean-Marc Caudron, directeur de RESSOURCES

Depuis un peu plus de deux ans, Jean-Marc Caudron est le directeur de RESSOURCES. Avant d’adosser ce rôle, il a d’abord travaillé pour une petite association du nom de  «Ach’act». Une organisation militante et syndicale de consommateurs qui milite pour le droit des travailleuses de l’habillement du secteur mondial. Il a également été chargé de campagne en Education Permanente chez Oxfam.

 

 

 

 

L’économie sociale, une économie de puristes ?

Lorsque nous demandons à Jean-Marc Caudron comment il est possible pour une entreprise sociale d’exister au milieu d’un marché qui ne l’est pas, celui-ci fait une pause de quelques secondes avant de reprendre : «C’est une question compliquée. Je pense que notre avantage est d’avoir des activités qui ont historiquement été développées par des entreprises d’économie sociale. L’économie circulaire est à la mode, les entreprises s’y intéressent. La concurrence se développe donc. Notre force sera de continuer à mettre en avant notre valeur ajoutée: des finalités sociales qui donnent du sens. Car nous travaillons de manière tout aussi professionnelle mais en plus de cela nous avons des visées sociales et sociétales beaucoup plus marquées». Des valeurs que de plus en plus de nouveaux business, tels que certaines startups, utilisent à leur avantage. «Il faut savoir où mettre le curseur. Aujourd’hui, dans le secteur que nous représentons, certaines startups font de l’inclusion, de l’insertion, de la revalorisation et pallient même la fracture digitale mais n’intègrent pas de manière naturelle (de par leurs statuts par exemple) le fait de faire partie de l’économie sociale. Il est important de rester ouvert car il y en aura de plus en plus et cela montre que les valeurs que l’on porte commencent à percoler auprès des jeunes startupeurs! Ne restons pas cantonnés dans notre réserve d’indien qui se croient plus purs que les autres». Créer des ponts, transmettre le fonctionnement de nos entreprises, notre façon de motiver notre personnel ou d’intégrer de nouvelles personnes, tester et développer de nouveaux modèles d’entreprises qui intègrent les finalités de l’économie sociale, là réside peut-être une de nos prochaines missions.

 

Concurrence ou longueur d’avance ?

Oui, mais… Et si l’économie dite classique avait déjà une longueur d’avance? «Ce qui est vrai, c’est qu’il y a de plus en plus de concurrence» appuie Jean-Marc Caudron. «Sur toute une série de filières, nous allons devoir nous confronter à différentes visions de l’économie circulaire». Par exemple, une grosse entreprise qui dirige sa communication sur un tout petit service de récolte de vêtements en échange d’un bon d’achat, ce ne sont que des actions marketing qui visent à vendre et produire plus, tout en apposant un petit autocollant «économie circulaire» sur son enseigne. «Il faut être très attentif à cela car ce n’est pas le fait que l’économie circulaire soit à la mode qui va faire évoluer le cœur de leur métier. Néanmoins, certaines initiatives intéressantes existent. Dans ce cas-là, nous nous positionnerons comme partenaire car je pense qu’une évolution des mentalités ne peut se faire qu’avec l’accompagnement de l’économie sociale».

 

Plusieurs campagnes de sensibilisation en cours

RESSOURCES mène aussi bon nombre d’actions concrètes à travers plusieurs campagnes pilotées de front. Vous aurez peut-être aperçu ce hashtag : #prodelarecup. Avec cette campagne, la fédération souhaite mettre en avant les métiers de la récup et les personnes qui y travaillent. «Les membres de RESSOURCES, ce sont 8500 personnes qui bossent au quotidien. Et ils ne sont pas arrêtés pendant le confinement! Les collecteurs, réparateurs, travailleurs ont continué à travailler, parfois avec de grosses contraintes. Les  entreprises ont poursuivi leurs activités grâce au dévouement de leur personnel». Dans un autre registre (quoique…), la campagne « Fais Gaffe à ma Bulle » vise à lutter contre le fléau des dépôts sauvages autour des bulles. «Avec le confinement, nous avons constaté une explosion de ces dépôts sauvages autour des collectes de textiles. Plus de 40% ! C’était crasseux. Cela pose plusieurs problèmes importants : la salubrité et le risque de rendre la filière de moins en moins rentable car cela a un coût de traiter, collecter, évacuer ces objets. Si un sac poubelle est mis au-dessus de dix sacs bien fermés et contenant de beaux vêtements, la totalité se retrouve perdue».

 

Le plus de Jean-Marc …

«RESSOURCES pense que nous avons tous à y gagner d’intégrer les questions environnementales dans l’économie sociale. C’est une évolution des valeurs qui nous tient à cœur, un des rôles que l’on se fixe : combiner enjeux sociaux et sociétaux avec les enjeux environnementaux.»

1- JONKER J et STEGEMAN H., En route vers l’économie circulaire, Ine Nijeland Redactie, Loil, 2016.

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