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La Cyclerie – un vélo pour chacune et chacun.

La Cyclerie

Enfourchez votre selle, glissez vos pieds dans les cales et faites chauffer vos mollets ! Aujourd’hui on vous emmène à la découverte de La Cyclerie, une manufacture de vélos à Liège. Depuis 2016, Thomas, Yves et Gilles ont décidé de créer leur emploi pour qu’il leur ressemble en termes de production, de conditions de travail et de valeurs. Rencontre avec une entreprise accompagnée par l’agence-conseil de SAW-B, qui a décidé de sortir le nez du guidon.

 

Ce mardi 10 mai à 10h, nous avions rendez-vous en visio avec Gilles pour notre interview. La caméra s’active et je découvre Gilles perché sur un tabouret dans ce qui ressemble à un immense garage avec une vingtaine de vélos accrochés aux murs et un bruit de métal qu’on frappe en arrière-fond.

 

Qui sont-ils ?

Derrière la Cyclerie, il y a 3 hommes : Thomas, Yves et Gilles. «On a tous comme point de convergence le vélo, nous dit Gilles. A l’époque, moi, j’avais une formation en montage de roues. Thomas commençait déjà à fabriquer des cadres avec Monsieur Deroy[1] et Yves était dans un atelier participatif de réparation de vélos.»

«On a décidé de lancer un service de réparation-restauration, de montage à la carte et de cadres sur mesure. Ce n’est pas une activité économique classique car un magasin de vélos fait son chiffre sur la vente. La réparation, c’est du SAV (service après-vente). Or à part le sur-mesure qui s’écoule au compte-goutte, nous n’en proposions pas.» Pour améliorer leur activité et développer leurs revenus, ils ont donc commencé une activité de productions de cadres en série qui sont proposés en vente directe à leur atelier ou chez deux partenaires : Pro Vélo Liège et Vélofcourse à Bruxelles. «Des cadres plus standardisés, plus abordables pour soutenir notre activité principale tout en conservant notre mode de fabrication artisanale.»

Les fondateurs de La Cyclerie se sont alors tournés vers SAW-B pour les soutenir et les conseiller dans leurs démarches marketing, commerciale, financière et de gouvernance. Mathilde, notre collègue de l’agence-conseil qui les accompagne ajoute: «Leurs défis principaux sont de construire un modèle économique viable en augmentant leurs productions et leurs ventes et de trouver des débouchés et des points de vente en accord avec leurs valeurs.»

 

Pourquoi le vélo ?

C’est de la mobilité douce mais pas que… «Le vélo, c’est un patrimoine! (Rires) Nous sommes dans une logique où on minimise le rebut. On ne comprend pas ce besoin de jeter pour remplacer par du neuf alors que tant de choses sont encore fonctionnelles ou réparables. Nos cadres ne viennent pas du bout du monde, ils sont produits ici, sur place. On peut aussi fabriquer en petites séries des fourches, potences ou d’autres accessoires en acier. L’acier que nous utilisons pour nos cadres et le reste de notre production artisanale vient d’EuropeMais clairement, la meilleure production, c’est celle qu’on ne fait pas.» dit Gilles tout sourire.

Et le choix de l’acier est avant tout un choix environnemental et durable. «La production d’acier est celle qui impacte le moins l’environnement lors de sa production et qui est la moins nocive pour notre santé à l’atelier. De plus, l’acier a une durée de vie importante et a fait d’énormes progrès en termes de résistance, de légèreté et de solidité ces 20 dernières années. C’est aussi un matériau polyvalent avec un prix abordable. Son seul défaut, c’est qu’il faut être attentif à la corrosion.»

Parmi leurs modèles proposés, on trouve avant tout des vélos polyvalents, pour aller travailler par exemple, ou des vélos de niche : gravel, allroad, tracklocross et… un vélo rétro-compatible. Qu’est-ce que c’est ? Voici l’explication de Gilles : «Il s’agit de reconstruire un vélo avec des pièces de récup, même vintages, et de les fixer sur notre cadre qui est compatible avec à peu près tout.» Le vélo mis aux goûts et aux besoins de chaque utilisateur est quelque chose qui revient souvent dans l’interview «Les vélos, c’est comme le pain, s’ils étaient tous produits dans une seule usine et qu’ils étaient livrés dans le point de vente près de chez toi, ils auraient tous la même saveur et tu n’aurais pas ce bonheur de découvrir le pain qui est à ton goût. Le vélo c’est la même chose, aucun vélo ne devrait être pareil ! On a toutes et tous des morphologies et des besoins différents.»

Leurs marques s’appellent Huflå – ce qui signifie bouvreuil[2] en wallon, un clin d’œil à leur ancrage liégeois- et Rouge-Gorge, pour les vélos sur-mesure, héritage de Monsieur Deroy.

 

Pourquoi avoir choisi d’être accompagnés ?

Une expression est toute choisie : sortir le nez du guidon. «On avait besoin de recul, on n’a tellement pas le temps!» Plan financier, organisation interne, développement de l’activité, communication… «On n’avait jamais pris le temps de faire un plan financier par exemple. C’est bien d’être forcés par quelqu’un, d’avoir des rendez-vous de manière régulière et méthodique pour traiter point par point tous les sujets sur lesquels on bloque un peu. La vue extérieure de Mathilde nous a parfois surpris. On s’est rendu compte qu’on était à la traîne sur certains sujets, parfois moins que ce qu’on croyait mais sur d’autres parfois plus. Elle nous a permis de mettre une chronologie dans l’effort. Mettre un pied devant l’autre pour ne pas se les prendre dans le tapis.» Mathilde complète : «L’accompagnement a été de les aider à formaliser leur vision, l’impact social et sociétal qu’ils visaient, afin d’avoir un discours plus fluide et compréhensible. Mais aussi à construire un plan de développement aligné entre eux. Une bourse coopérative leur a été octroyée pour explorer leurs processus de production, et développer leurs canaux de vente. Le prochain objectif est de créer une coopérative faisant participer leur communauté à leur projet.»

  

L’évolution vers une coopérative.

Actuellement, Thomas, Yves et Gilles travaillent sous forme d’une asbl. Mais, prochainement, ils souhaitent passer en coopérative.

«C ‘est tout le paradoxe de notre société où, à l’école, on t’apprend la démocratie. Et puis dans la vie active, c’est comme si elle disparaissait au travail pendant 40h semaine. C’est ce qu’on ne voulait plus!». Le trio veut donc que, dans leur entreprise, tout le monde soit à égalité et que les décisions prises en atelier comme sur le terrain soient les plus démocratiques possibles et incluent leur public. «Même avec nos clients, on veut les écouter, entendre leurs besoins et ne pas leur vendre des trucs auxquels on ne croit pas nous-mêmes, juste pour remplir le frigo.»  

Quand elle existera, ils proposeront des parts de leur coopérative à leur communauté de vélocistes. «Une réelle communauté les suit, précise Mathilde. Le trio partage volontiers leur savoir-faire en donnant des formations, des conseils pour l’entretien des vélos, et avec le temps, ils ont réuni autour d’eux un chouette groupe qui partage leurs valeurs.»

L’argent investi via ces parts leur donnera une véritable bouffée d’air frais pour avancer, donner un coup de boost sur la production et d’avoir du stock. Cela leur permettra de gagner un peu de temps pour démarcher et trouver de nouveaux endroits de vente qui leur ressemblent.

 

Hip hip Huflå ! On leur souhaite plein de succès.

[1] Monsieur Deroy est un ancien cadreur de la région qui a visiblement laissé une belle empreinte dans le quartier et dont le trio revendique la filiation.

[2] Le bouvreuil est un oiseau eurasien que vous pouvez apercevoir dans nos bosquets. Ilustration : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouvreuil_pivoine

©Vojo Mag

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