L’Interfédé – Penser et panser l’insertion socio-professionnelle.
Quand on parle d’économie sociale et solidaire, la première pensée de nombreuses personnes se tourne vers l’insertion. Il faut dire que ce secteur est un acteur majeur de l’Economie sociale et SAW-B fait partie de celles et ceux qui ont contribué à valoriser et soutenir un encadrement législatif à la hauteur du rôle qu’il joue. Rencontre avec Louise Nikolic, directrice adjointe de l’Interfédé.
Louise Nikolic, directrice adjointe de l’Interfédé, nous a accordé un peu de son temps pour nous parler de sa structure, mais surtout de ce qu’est l’insertion socio-professionnelle aujourd’hui. Avant d’arriver à l’Interfédé, Louise a fait une thèse en sciences politiques. Elle a découvert le monde de l’insertion en répondant à une annonce jusqu’à occuper aujourd’hui ce poste.
Pour commencer, qu’est-ce que l’Interfédé?
Il est impossible de parler de l’Interfédé sans commencer par évoquer les CISP, les Centres d’Insertion Socio-Professionnelle !
Ces centres proposent trois types de formations:
- De l’orientation professionnelle
- De la formation de base: alphabétisation, français langue étrangère, remise à niveau…
- De la formation professionnalisante, directement en lien avec un métier.
La particularité des CISP est qu’ils s’adressent à un public peu scolarisé, des demandeurs d’emploi de longue durée… Dans les filières professionnalisantes, on peut se former dans de nombreux métiers comme par exemple le maraîchage, la construction, l’Horeca, les services à la personne…
Quelles sont les spécificités des CISP?
Il y a 2 méthodologies en CISP. D’une part les EFT, les Entreprises de Formation par le Travail et, d’autre part, les DEFIS, les DEmarches de Formation et d’Insertion.
La première particularité des CISP est de proposer des formations avec des pédagogies qui sont alternatives et novatrices. Quand je dis alternative, c’est par rapport à un système de formation ou d’enseignement plus traditionnel ou classique.
Une seconde particularité, c’est qu’ils proposent un accompagnement psychosocial qui consiste à accompagner le ou la stagiaire par rapport à toutes les difficultés qu’il peut rencontrer dans sa vie.
La valeur cardinale du secteur, c’est de prendre en compte la personne sous tous ses aspects, dans sa globalité, d’avoir une approche vraiment personnalisée.
Les projets des CISP sont destinés à développer tant l’émancipation sociale que professionnelle des stagiaires en formation. C’est donc bien pour cela qu’on les appelle des centres d’insertion SOCIO-professionnelle.
Quel est le rôle de l’Interfédé dans tout ça?
Comme son nom l’indique, l’Interfédé est une fédération de fédérations. Nous sommes composés de cinq fédérations des CISP: Lire et Ecrire, CAIPS, ALEAP, UNESSA et les AID.
Nous remplissons principalement quatre missions :
- La représentation du secteur auprès des instances politiques et institutionnelles et la promotion des CISP et de leur travail
- La professionnalisation des CISP notamment via la formation continuée des travailleurs
- Des actions pour améliorer la qualité des pratiques des CISP
- La participation au dispositif multipartenarial des Carrefours et Cités des métiers.
Quelles sont les actus de l’Interfédé?
Nous avons trois grands chantiers actuellement.
- Le premier concerne la rédaction et la promotion de notre mémorandum 2024 qui sortira à la fin du mois de septembre. Nous souhaitons porter auprès des politiques les revendications du secteur des CISP pour une meilleure inclusion des publics éloignés de l’emploi.
- Le second concerne l’organisation de la campagne CISP en action du 10 septembre au 10 octobre. Une quarantaine d’événements sont organisés sur tout le territoire de la Wallonie avec des parcours de compétence, des portes ouvertes, des actions collectives entre CISP… dans l’objectif de renforcer les partenaires locaux, de montrer la densité et la diversité des actions de formation en CISP et de recruter des stagiaires.
- Le troisième chantier, c’est de renforcer nos synergies et les partenariats avec les autres acteurs de l’insertion et de la formation professionnelle (CPAS, Forem, MIRE, IFAPME, promotion sociale…) afin de renforcer la concertation entre les acteurs et de fluidifier les filières et les parcours de formation… en vue de l’intégration sociale et professionnelle des stagiaires.
Tu abordes la question du recrutement des stagiaires. Dans la presse, presque tous les jours, on parle du nombre de chômeurs, des métiers en pénurie, etc. Vous avez pourtant un problème de recrutement de stagiaires. Peux-tu nous en dire un peu plus pour sortir des clichés?
Il y a eu une chute importante au niveau de de la fréquentation des CISP depuis la crise COVID et c’est seulement maintenant qu’on commence à sentir à nouveau une amélioration. On a décidé d’essayer de mieux comprendre les raisons de cette diminution. On a mené une grande étude qualitative. La première chose observée, c’est que le phénomène est à géométrie variable mais partagé par la quasi-totalité des opérateurs de formation professionnelle publics ou privés.
Après avoir mené cette étude, on a cherché des pistes d’action: au niveau plutôt organisationnel des centres, en adaptant les formations mais aussi au niveau des actions de visibilité. Comment repérer/toucher les stagiaires? Comment les mobiliser et créer du lien? A plus long terme, il nous semble important d’avoir un dialogue avec tous les acteurs et partenaires de la formation et de l’insertion en Wallonie – qui sont aussi concernés par des difficultés de recrutement – autour d’enjeux fondamentaux pour l’avenir de notre paysage de la formation et de l’insertion: comment rationaliser nos partenariats et nos complémentarités? Comment empêcher autant que faire se peut une offre de formation excédentaire sur un territoire et les situations de concurrence? Comment rendre plus lisible cette offre de formation?
Dans les causes de cette diminution du nombre, quel est, pour toi, un des éléments centraux d’explication?
On constate une précarisation accrue du public qui est accueilli en CISP. De plus en plus de personnes dépendent du CPAS au fil des années et de plus en plus de personnes qui n’ont ni revenu ni allocation. On assiste à un changement ou une modification du type de public qu’on accueille. Et ce public est de plus en plus difficile à toucher et à accrocher en formation notamment parce qu’il y a une méfiance de tout ce qui touche aux institutions et donc à la formation.
Dans les CISP, on vise l’émancipation sociale et professionnelle avec une pédagogie alternative au système classique, l’objectif est de renouer avec ces personnes-là et de leur redonner confiance dans une perspective d’insertion et d’emplois.
Les CISP en quelques chiffres
• 150 CISP
• 400 filières de formation
• 11 à 15000 stagiaires chaque année
• 2000 encadrants/accompagnateurs/formateurs…
• Taux de sortie positive vers une formation qualifiante = 50%
• Taux de sortie positive vers l’emploi : 23%
• ¼ des stagiaires n’a pas de revenu
• 1/3 des stagiaires dépend du CPAS
• ¼ sans diplôme
• ¼ max CEB
• 20% a le CESDD (diplôme de 4ème secondaire)
• 15% des diplômes non reconnus : personnes étrangères ou d’origine étrangère
• ¼ des stagiaires sont extra-européen
• 70% des stagiaires ont la nationalité belge
Le site de l’Interfédé : https://www.interfede.be/
Partagez :