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Febecoop – Les coopératives, un modèle de résilience.

Febecoop

Le mouvement coopératif a toujours été, par essence, constitué d’initiatives économiques lancées sous la pression de besoins sociaux. Que ce soient, comme au XIXè Siècle, des projets portés par des mouvements sociaux soudés dans l’adversité ou par des collectifs aux conditions socio-économiques et culturelles similaires, ou, comme aujourd’hui, pour répondre aux enjeux et défis contemporains.

En quoi les coopératives sont-elles des structures entrepreneuriales d’avenir? Pour répondre à cette question, nous nous sommes entretenu avec Jacques Debry, administrateur délégué de Febecoop.

 

Jacques, peux-tu nous rappeler qui est Febecoop?

Febecoop rassemble, en Belgique, des entreprises organisées autour des valeurs et des principes coopératifs. Ses membres sont issus de secteurs aussi variés que l’assurance, la santé (dont la pharmacie), le service aux personnes, l’énergie, etc.

Febecoop trouve ses racines dans les premières coopératives nées en Belgique à la fin du XIXè siècle, en même temps que naissait le mouvement socialiste. Si l’asbl a été créée en 1970, son ancêtre, la «Fédération des Sociétés Coopératives Belges», date de 1900. La mission de Febecoop reste fondamentalement de défendre et promouvoir le modèle coopératif et plus largement l’économie sociale et solidaire.

 

Qui est Jacques Debry?
Jacques Debry FebecoopJacques DEBRY est juriste de formation (Université de Liège, 1973) et il a également été assistant pendant deux ans à la faculté de droit de l’Université d’Oran (Algérie). Il a ensuite embrassé la carrière d’avocat (inscrit au barreau de Liège de 1976 à 1980). En 1980, il rejoint FEBECOOP en tant qu’attaché de Direction et ce jusqu’en 1982. Il intègre alors le comité de direction de MULTIPHARMA, société coopérative qui exploite le plus important réseau de pharmacies en Belgique. Il y fera une longue carrière, jusqu’en 2016, occupant successivement plusieurs fonctions de direction. Il sera également conseiller du Comité Exécutif de l’Union Européenne des Pharmacies Sociales entre 2000 et 2016. Membre du Conseil d’Administration de FEBECOOP depuis 1986, il reprend en 2017 une fonction active au sein de l’association dont il est aujourd’hui Administrateur délégué.

 

Qu’est-ce qu’on peut espérer en 2024 pour les coopératives?

Soyons ambitieux! Je dirais que je souhaite que l’année 2024 soit l’année d’un développement significatif de l’économie coopérative comme modèle de référence dans l’évolution de l’économie. Pour nous, il ne s’agit pas uniquement de répondre à des besoins immédiats et pressants de façon pragmatique, mais de développer, dans tous les domaines et dans tous les secteurs, une économie qui fonctionne sur un modèle alternatif d’entreprise, de manière à tendre idéalement vers un basculement de la nature même de l’économie. La finalité du modèle coopératif est de mettre en place un modèle d’entreprise qui soit au service des citoyens et pas au service de l’argent (sous forme de capital). «Coopératisons» l’économie!

 

En quoi le modèle coopératif est-il porteur d’une autre économie? Qu’est-ce qui différencie une coopérative d’une entreprise classique?

La spécificité du modèle coopératif est définie «officiellement» par l’Alliance Coopérative Internationale dans sa Déclaration sur l’identité coopérative (1995). Ce document de deux pages donne une définition de la coopérative, énumère les valeurs des coopératives, et expose les sept principes coopératifs.

Initialement, ce sont des personnes qui s’associent pour créer une entreprise qui devra satisfaire certains de leurs besoins ou aspirations. Elles vont gérer cette entreprise de manière autonome, dans le respect des valeurs et principes coopératifs. Aujourd’hui, de nombreuses coopératives ont pour mission de rencontrer des besoins de personnes autres que les associés, mais les valeurs et principes demeurent les mêmes.

Les coopératives entendent donc faire de l’économie en ayant une finalité de service et non de profit, et de le faire en toute autonomie. Dès lors, comment faire pour se tenir à l’objectif, c’est à dire garantir la prééminence du service, la primauté des personnes sur le capital? Car il faut des moyens financiers pour entreprendre, il faut du capital, mais celui-ci doit être au service de l’entreprise et non l’inverse. Ce sont les sept principes coopératifs qui «verrouillent» de l’intérieur le modèle et obligent, au-delà des bonnes intentions, l’entreprise coopérative à rester dans les clous de son projet social. Je vise en particulier le deuxième principe qui concerne le contrôle démocratique et le troisième principe relatif à la place du capital et à l’affectation des profits: développement de la coopérative, dotation de réserves en parties impartageables, ristournes aux membres, soutien d’autres activités approuvées par les membres, rémunération limitée du capital en tant que tel (dividendes).

Les coopératives proposent donc une autre vision de l’économie, mais elles ne sont pas en dehors de toute réalité.

 

Comment justement les coopératives s’ancrent-elles dans cette réalité?

Les coopératives s’insèrent dans l’économie existante, avec leur projet alternatif. Elles sont donc d’entrée de jeu ancrées dans la réalité. Cela fait partie de leur pari: on va changer les choses de l’intérieur, sans faire table rase de l’existant.

 

Pourquoi sont-elles des entreprises résilientes dans ces temps de crises?

Leur résilience est très grande à partir du moment où elles sont sorties de l‘enfance, à partir du moment où, après leur création et leurs débuts, elles se sont stabilisées. Cette résilience ne tombe pas du ciel. Elle tient en fait au respect des règles qui sont les leurs, les fameux principes. Ainsi, la non-rétribution excessive des profits, la constitution de réserves impartageables, l’absence de spéculation dans la motivation de la détention des parts de capital, etc., tout cela conforte les coopératives. Évidemment, il y a des accidents, l’histoire en est remplie. Mais la grande résilience des coopératives est prouvée statistiquement. Par exemple, des études démontrent que les banques coopératives ont mieux résisté à la crise de 2008.

Quant à la question de leur fidélité à leur mission et à leurs valeurs au cours de leur vie, ma réponse est la même: plus les coopératives se tiennent fermement au respect de leurs règles de fonctionnement, les principes, plus elles resteront au service de leur mission. Ce n’est pas toujours facile dans un environnement dominé par d’autres valeurs. La plus grande difficulté est de respecter sur le long terme l’exigence d’une démocratie réelle et vivante, pas seulement formelle. En effet, une coopérative de grande taille, avec des milliers de coopérateurs, et qui a une longue histoire, connaît souvent un déficit par rapport au contrôle démocratique. Mais reconnaissons que la démocratie réelle et participative est un enjeu pour toutes les coopératives, et, plus largement, pour toutes les initiatives qui mettent la démocratie au cœur de leur projet.

 

Comment développer et consolider le mouvement coopératif dans toute sa diversité?

Il y a, en gros, deux grandes vagues historiques de création et de développement coopératif. Le premier est apparu, comme je l’ai dit, à la fin XIXè Siècle, et beaucoup de grandes coopératives puissantes aujourd’hui sont issues de ce mouvement. Et puis, après un creux, particulièrement entre 1945 et 1970, il y a eu un renouveau coopératif après les années 80′, y compris dans des domaines nouveaux, et y compris en réponse à des enjeux nouveaux (écologiques notamment). C’est formidable! Mais beaucoup de ces initiatives demeurent de taille modeste. Ce qu’il faudrait, c’est que plus de projets atteignent une envergure significative pour peser sur l’économie. Et que les projets qui ont vocation à rester locaux et de dimension limitée se renforcent en mutualisant certaines choses (par exemple l’accès à des ressources dont elles ont besoin, des fonctionnalités, etc.). Cela se fait, mais il faut amplifier ce mouvement. Et il faut encore que les anciennes coopératives, parfois puissantes, aident le mouvement nouveau… ce qu’elles font déjà pour certaines d’entre elles.

 

Interview par Olivier de Halleux.

Pour en savoir plus sur Febecoop, consultez leur site.

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