ITW – Coopeos, la coopérative qui chauffe avec des déchets verts et des valeurs sociales.
Dans un monde où la transition énergétique et la gestion des déchets deviennent des enjeux majeurs, Coopeos se distingue par son approche innovante et citoyenne. Cette coopérative transforme les déchets verts en énergie durable pour chauffer des bâtiments tout en promouvant des valeurs fortes comme l’économie circulaire, l’égalité salariale et la coopération. Rencontre avec Caroline Lambin, co-fondatrice de Coopeos.
Qu’est-ce que Coopeos?
Le projet, qui vient de remporter le Prix du Développement Durable de la Province de Namur, est parti d’un constat: il y a, d’une part, une quantité importante de déchets verts qui viennent de l’entretien des parcs et des jardins et, d’autre part, l’utilisation des énergies fossiles (gaz ou mazout) qui génèrent du CO2 et des factures importantes et fluctuantes. Ce qui amène naturellement à une question: Est-ce qu’on peut valoriser les déchets verts pour chauffer des bâtiments? Coopeos est né en répondant «oui» à cette question.
La coopérative citoyenne a pour objectif de chauffer des bâtiments de collectivités ou d’entreprises à partir de ressources de bois local. Elle utilise ainsi les déchets, tels que les déchets de jardin valorisés en plaquettes de bois, dans les chaudières.
Pour pouvoir utiliser ce bois local, Coopeos installe et exploite des chaudières chez leurs clients. C’est un service sur la durée, de dix à quinze ans, où la coopérative va s’occuper de tout, pour que le client ait chaud et qu’il puisse utiliser de la chaleur durable.
Enfin, un autre élément de Coopeos, c’est la sensibilisation. L’installation de chaudière est l’occasion rêvée de sensibiliser les utilisateurs du bâtiment qui en est équipé: auprès des élèves lorsqu’il s’agit d’installer une chaudière dans une école, ou le personnel d’une maison de repos, etc. L’idée est de partir du projet concret pour rayonner un maximum et parler des différentes thématiques chères à Coopeos: énergies renouvelables, économie circulaire, économie sociale, coopération, etc.
Caroline, qui es-tu?
J’ai fait ingénieur de gestion à Louvain-la-Neuve, et puis je me suis tout de suite lancée dans la consultance en marketing, stratégie d’entreprise.
J’ai travaillé là pendant dix ans. Et puis j’ai eu besoin de retrouver du sens dans mon travail. J’ai alors rencontré Frédéric Bourgois (co-fondateur de Coopeos), qui avait déjà été mis sur la piste d’un projet de chauffage vert par SAW-B. Il est venu toquer dans l’agence de consultance dans laquelle je travaillais pour un soutien stratégique. C’est comme ça qu’on a été en contact et qu’on a décidé de créer la coopérative ensemble.
Grandir sans perdre ses valeurs
Depuis sa création en 2015, Coopeos a connu une belle évolution. Si les premières années ont été marquées par des défis – la recherche de clients et l’élaboration d’un modèle solide –, l’entreprise a rapidement pris son envol une fois son modèle pleinement adopté. À tel point que le nombre de collaborateurs a doublé il y a deux ans, atteignant aujourd’hui une vingtaine de personnes. Pourtant, malgré cette croissance, l’entreprise a su conserver ses valeurs. Son secret? «Dès la création de Coopeos, nous avons rédigé une charte qui décrit les objectifs, les défis sociétaux que nous souhaitons relever, nos valeurs et la manière dont nous voulons y répondre. Cette charte a agi comme un véritable guide tout au long de notre développement.»
Fidèles à cette charte, les membres de l’équipe s’y réfèrent encore aujourd’hui pour orienter leurs décisions stratégiques, notamment dans des situations complexes. Dans cette charte se trouvent des principes qui inscrivent Coopeos au cœur de l’économie sociale comme: le pouvoir démocratique exercé par les membres, l’autonomie et l’indépendance, l’engagement envers la communauté, la coopération entre coopératives, ou encore l’éducation, la formation et l’information.
Une fierté: l’égalité salariale
Maintenir cet attachement aux valeurs, cela demande souvent d’innover pour faire face aux nouvelles situations. Par exemple, lorsque le projet est lancé, les premiers travailleurs décident d’emblée d’être tous rémunérés de manière équivalente. Cela leur semble naturel, et le plus juste, par rapport aux valeurs de l’économie sociale. Mais en grandissant, au moment d’engager des nouvelles personnes qui ne connaissent pas forcément l’économie sociale, le problème se pose alors: «Si on engage un technicien, est-ce qu’on va le payer moins parce que le salaire d’un technicien est moins élevé sur le marché de l’emploi? Cela paraissait bizarre.»
Les techniciens sont donc engagés au même salaire que tout le monde. Ce qui pose un souci un peu différent pour les ingénieurs: «Parce que notre égalité salariale se situe en dessous du niveau de certains profils, et au-dessus d’autres profils. Pour certains profils, comme les ingénieurs, le recrutement était compliqué. Nous avons connu une phase vraiment compliquée à ce niveau-là. Plusieurs fois, on a remis en question cette égalité salariale et on s’est dit: allez, on tient encore, bon, on se donne encore quatre mois. Et finalement, on a pu trouver des profils et garder notre principe.» Et ce principe, ils en sont fiers!
Le défi de la participation
La croissance rapide de l’équipe a aussi posé de nouveaux enjeux. Parmi les nouveaux venus, un certain nombre ne connaissaient pas la participation ou n’y étaient pas habitué. Il y a finalement peu de lieux de participation dans notre société, c’est donc quelque chose qu’il faut apprendre. «Et on y met beaucoup d’énergie. On organise des animations en interne, des afterwork, des visites d’autres entreprises pour voir comment ça fonctionne chez elles. On veille à bien faire passer le message de l’économie sociale.»
Le message est essentiel! Développer la démocratie dans l’entreprise, c’est contribuer à la démocratie de manière plus large, à l’échelle de la société entière. Et cela transforme les gens: «Nous avons pu observer des transformations impressionnantes chez certaines personnes. Par exemple, au départ, certaines ne voyaient pas l’intérêt de participer activement mais, progressivement, elles ont découvert l’importance de cette implication. Certains individus, initialement réservés, sont devenus des membres actifs dans les processus de décision.»
Et pour la suite?
«Pour l’avenir, nous cherchons à grandir sans perdre notre cohérence. Nous privilégions une croissance par essaimage, en collaborant avec des partenaires, notamment d’autres coopératives citoyennes actives dans des domaines comme l’éolien ou le photovoltaïque. Notre objectif est de les accompagner dans le développement de projets de bois-énergie, tout en jouant un rôle technique et en leur permettant de gérer le volet commercial et financier.» En fait, la coopération est au cœur des valeurs de Coopeos. L’entreprise s’inscrit parfaitement dans l’économie sociale et solidaire, qui refuse tant que faire se peut la concurrence du marché pour tisser des liens avec les autres entreprises sociales. Cela se traduit concrètement, en s’adressant particulièrement à des entreprises d’économie sociale pour tous les aspects de la production, de la fabrication de container, au stockage du bois, ou à la valorisation de déchets verts.
Le mot de la fin
«L’économie sociale, selon moi, est un modèle qui peut transformer profondément la société. Elle offre une alternative aux systèmes traditionnels axés sur la hiérarchie et la compétition. Ce modèle montre qu’une autre manière de fonctionner est possible, avec des avantages à tous les niveaux: environnementaux, sociaux et humains. Une fois qu’on découvre cette approche, il est difficile d’imaginer revenir à des structures traditionnelles.
Nous avançons peut-être lentement, mais chaque transformation contribue à un changement profond et durable. L’économie sociale a le potentiel de repenser chaque domaine de notre société, de l’énergie à l’alimentation, en passant par la mobilité et l’habillement. Nous avons les moyens de réaliser ce changement, à condition de poursuivre cette sensibilisation et de promouvoir ces alternatives.»
Découvrez Coopeos en vidéo dans la superbe capsule qui leur est consacrée pour le Prix du développement durable de la Province de Namur.
Envie de découvrir Coopeos par sa dernière réalisation? Sur leur site internet, découvrez la chaufferie bois du Domaine des Rièzes et des Sarts, une maison de repos et de soins. Une réalisation de septembre 2024.
© Kat Closson – iES! (portrait) et Coopeos (équipe)
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