EDITO – On s’adapte et on s’illusionne, on s’adapte et on s’emprisonne.
Personne n’a pu échapper aux images effroyables des inondations qui ont touché l’Espagne. Chaque image, chaque information était un supplice. Des voitures encastrées, des torrents de boue recouvrant les rues, les trottoirs, les maisons. Des morts et des disparus dont le nombre même fait l’objet de controverses. Nous avons vu également une foule déverser sa colère sur des autorités considérées comme principales responsables de la mauvaise gestion de la catastrophe, mais aussi de ne pas avoir alerté à temps la population (un sms a été envoyé après que les premiers villages ont été inondés).
Il y a encore quelques années, quand un événement semblable se produisait, on évoquait l’horreur de la fatalité : une tempête ici, une sécheresse là, un feu de forêt, un tremblement de terre occupaient l’actualité de temps en temps. Mais aujourd’hui, la fatalité n’est plus le coupable désigné et les dérèglements climatiques sont aujourd’hui une explication bien crédible face aux conséquences désastreuses, même si cet enchainement de catastrophes semble augmenter le climato-scepticisme de certains[1].
Face à cette accumulation de phénomènes climatiques catastrophiques, trois options s’offrent à nous : l’immobilisme, l’adaptation[2] et la lutte.
Voici deux situations qui ont récemment fait l’actualité et qui tendent à montrer que la lutte n’est manifestement pas l’objectif premier de nos sociétés, de nos politiques.
A Valence, l’immobilisme ?
Le gouvernement de la région de Valence semble avoir fait le choix de l’immobilisme voire de l’adaptation négative. En plus de faire si peu en matière de lutte contre les dérèglements climatiques (que ce soit contre les sécheresses ou contre les inondations), le gouvernement régional a choisi l’austérité en diminuant notamment les services de protection civile, pierre angulaire pour intervenir après une catastrophe. « Débrouillez-vous » ou, pire encore, « concentrez votre énergie sur le nettoyage des centres commerciaux plutôt que celui des habitations » parait être le message principal !
Fast fashion : entre immobilisme et adaptation ?
La fast fashion, c’est-à-dire cette industrie vestimentaire qui renouvelle perpétuellement ses modèles avec des prix très bas dans des conditions de production très en-deçà des normes sociales et environnementales, inonde le marché. Les géants chinois comme Temu et Shein donneraient presque l’impression que H&M et Zara sont sages tant ils déversent, tel un tsunami, leurs produits sur le marché. Les sites de vente de seconde main pullulent sur la toile, Vinted n’étant que la partie la plus visible. Ils promeuvent leur arrivage permanent et facilitent la revente des vêtements de meilleure qualité et l’achat d’autres. Les acteurs sociaux de la seconde main récupèrent les vêtements de piètre qualité en quantité astronomique, ce qui met à mal tout le modèle économique d’un secteur de la récupération orienté vers l’insertion de personnes les plus éloignées de l’emploi.
Un cercle vicieux qui provoque un désastre écologique immense.
Le monde politique semble, jusqu’à présent, bien en difficulté d’enrayer la spirale infernale même s’il tente quelques adaptations en exigeant par exemple le tri sélectif des textiles[3]. Le soutien au secteur de la récup en économie sociale est urgent, comme le relevait la Fédération Ressources si on veut qu’il survive mais, aussi, si nous ne voulons pas nous retrouver noyés sous des couches de tissu.
La lutte contre les dérèglements climatiques : la seule option possible
Un peu d’adaptation par-ci, beaucoup d’immobilisme par-là, teinté d’une croyance naïve en la technologie provoquent aujourd’hui des désastres écologiques, économiques, sociaux et humains d’une portée incommensurable.
Chaque saison amène son lot de catastrophes climatiques dont l’enchaînement fait peur. L’écologie punitive, la vraie, c’est celle qui déverse des torrents de boue dans les villes espagnoles, qui assèche les terres à un endroit, brûle les forêts à un autre, qui inonde les récoltes, qui réchauffe les montagnes, fait fondre les glaciers et les pôles et qui tue.
L’économie sociale croit qu’il est possible de faire autrement ! Montrons ensemble qu’il est possible de faire plus !
Joanne Clotuche – j.clotuche[@]saw-b.be
[1] https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/31/radiographie-des-climatosceptiques-des-francais-plutot-de-droite-ages-et-opposes-aux-ecolos_6368363_3244.html
[2] https://www.mediapart.fr/journal/international/301024/face-au-chaos-climatique-l-impossible-adaptation-au-capitalisme-punitif
[3] A partir du 1ᵉʳ janvier 2025, la collecte sélective du textile deviendra une obligation. La mesure s’inscrit dans la stratégie d’économie circulaire de l’Union européenne. Tous les États membres devront mettre en place des systèmes permettant de collecter et de traiter les textiles usagés de manière séparée pour favoriser leur réutilisation et leur recyclage.
©ben-wicks-unsplash
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