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Le Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat – Le combat pour un droit fondamental.

Réseau Wallon pour le Droit à l'Habitat

Que signifie réellement le droit à l’habitat en Wallonie aujourd’hui? Arnaud Bilande, coordinateur du Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat (RWDH), nous partage son combat pour un accès équitable au logement. Entre expulsions, logements inoccupés et inégalités croissantes, le RWDH entend défendre ce droit essentiel, au-delà des simples briques et des tuiles.

 

Qu’est-ce que le RWDH? Quelle est votre histoire?

Comme le nom l’indique, le RWDH est un rassemblement et non une fédération. Nous ne défendons pas un secteur mais une idée, celle du droit au logement, du droit à l’habitat. Nous réunissons une large diversité d’acteurs à l’angle d’approche varié: promotion du logement, lutte contre le sans-abrisme et la pauvreté, agences immobilières sociales, éducation permanente, droit à l’énergie durable, etc. L’idée est née au sein du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté qui a favorisé la réunion des acteurs sur cette thématique essentielle.

 

Quelle est votre utopie, pour quoi vous battez-vous?

Nous nous battons pour le droit à l’habitat, qui inclut le droit au logement. Le droit au logement, c’est avoir accès à un toit sur sa tête et des briques autour. Le droit à l’habitat commence effectivement avec un accès à un logement abordable, digne et dans un environnement de qualité. Mais il comprend aussi par exemple l’accès à des services publics comme le droit à la mobilité (particulièrement en milieu rural). Il inclut aussi une attention aux habitats hors normes comme l’habitat léger ou les habitats permanents en zone de loisir (certaines personnes louent à l’année un chalet ou une caravane dans un camping). Nous y ajoutons aussi le droit à l’énergie et le droit à la santé. C’est vrai que c’est une utopie dans le sens où nous sommes encore très loin de la situation où tout le monde à le droit d’habiter un logement qui lui convient à un prix abordable. Et aussi dans le sens où le cadre législatif doit évoluer ainsi que les normes sociales et culturelles.

 

Quelle est la situation actuelle en Wallonie en matière de droit à l’habitat?  Et comment établissez-vous vos constats en cette matière?

Nous nous appuyons sur des données brutes qui sont disponibles pour tous, par exemple celles fournies par le Centre d’études en habitat durable de Wallonie ou l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique. Un travail remarquable est fait à ce niveau, d’un point de vue scientifique. Mais nous ne pouvons nous contenter de cela. Donc, nous travaillons aussi avec les savoirs que produisent nos membres. Par exemple la mise en récit, l’analyse et la capacitation d’un groupe, au départ d’une situation dramatique d’une expulsion administrative de 30 familles tournaisiennes suite à l’incendie d’un immeuble. Cet exemple a été à la base d’une campagne de plaidoyer contre les expulsions. Un autre exemple est le livre noir du logement à Liège qui est un recueil de témoignages de situations de mal logement qui va être présenté dans le cadre des élections communales. Nous travaillons à l’articulation essentielle entre ces enjeux locaux et d’autres enjeux globaux sur le territoire pour formuler des propositions et recommandations aux pouvoirs publics. Nous ne pouvons pas porter des revendications sans les ancrer dans le territoire et, en même temps, on ne peut pas non plus en rester à des constats sans rien proposer. Ce serait assez déprimant.

Globalement, la situation s’est aggravée ces dernières années. Même si certaines victoires sont à notre actif: la structuration des associations de promotion du logement (APL), le décret sur l’habitat léger, etc. Mais les forces contraires sont puissantes, celles qui cherchent à marchandiser le logement, à en faire un produit financier et à en tirer des profits avant tout. Il manque cruellement des logements à louer à un prix abordable. Ce qui génère une sorte de concurrence entre les associations qui accompagnent les publics en difficulté. Il existe aussi une vision tronquée de la réalité wallonne. Les acteurs politiques ont en tête la proportion d’une majorité de propriétaires et d’une minorité de locataires. Or ce n’est pas le cas dans les villes comme Liège ou Charleroi. Les mesures phares du nouveau gouvernement tournent autour de l’accès à la propriété, sans beaucoup de préoccupations pour les locataires et les personnes qui ne peuvent accéder financièrement à la propriété. Il va nous falloir déployer un narratif et un argumentaire politique auprès d’eux.

 

Qu’opposez-vous au sacro-saint droit de propriété?

Il faut savoir qu’en ce qui concerne les logements inoccupés, il y a une diversité de causes à cette situation. Ce n’est pas toujours de la spéculation. Néanmoins, nous questionnons ce droit de propriété des uns en le confrontant au droit au logement des autres, qui est un droit constitutionnel (article 23). Nous sommes porteurs de proposition comme la réquisition qui permettrait de céder aux acteurs associatifs durant 20 ans la gestion et la rénovation d’un immeuble inoccupé depuis 10 ans. Il faut aussi savoir que de nombreux dispositifs existent déjà en Belgique mais sont peu utilisés, par manque de courage politique : prise en gestion volontaire, prise en gestion forcée, la loi Onkelinx sur la réquisition, les amendes et taxes pour immeubles inoccupés, l’action en cessation qui vise à forcer un propriétaire à remettre son bien sur le marché, en le vendant ou en le louant[1].

Nous pourrions aussi imaginer de ne pas concentrer tous les éléments du droit de propriété sur la même personne en octroyant un droit d’usage aux uns et un droit de possession aux autres. Ce sujet est particulièrement travaillé par le Réseau brabançon pour le Droit au logement. Des sources d’inspiration existent aussi à l’étranger comme avec la Community Land Trust anglo-saxon[2] ou avec le Miethäuser Syndikat allemand[3].

 

Quelles sont vos diverses modalités d’action?

Au début, on a travaillé avec nos membres sur un Plan logement qui a ensuite été porté et diffusé largement. Récemment, on a mené une campagne contre les expulsions qui a permis de publier une brochure à la fois pratique et politique, avec des relais dans la presse. Parfois, nous nous mobilisons sur des situations particulières comme récemment la tentative d’expulsion d’un squat à Anderlues par les autorités communales, finalement empêchée. On lance aussi des mobilisations interconnectées à travers l’Europe comme le Housing Action Day.

Nos modalités d’action sont en train d’évoluer étant donné l’élargissement de l’équipe. Nous nous sommes récemment donné quatre priorités: la lutte contre les logements inoccupés, les expulsions, les enjeux de rénovation énergétique et l’encadrement du marché locatif privé.

 

Quels sont les liens, existants ou à développer, entretenus avec des acteurs de l’économie sociale?

Il en existe déjà mais cela reste une dimension qui mériterait d’être renforcée. On a trop souvent une approche en silos. Une mobilisation existe actuellement dans le quartier Saint-Nicolas à Namur qui doit face à un important processus de gentrification (avec notamment des acteurs publics qui vendent des logements publics). Et là est née la possibilité de mettre en place une coopérative d’habitants. Voilà un exemple inspirant à poursuivre et reproduire.

Prenons rendez-vous pour en reparler…

 

SAW-B et l’habitat

SAW-B a développé une certaine expertise dans l’accompagnement de projets relatifs à l’habitat comme par exemple :

  • Alodgî, un habitat solidaire à Ottignies pour personnes présentant des fragilités psychiques
  • Pass-ages, une coopérative d’habitation intergénérationnelle à Bruxelles
  • Anthélie, un habitat solidaire à Tournai, etc.

Certaines analyses (voir « Quelques liens utiles ») ont également été publiées sur ce sujet. Nous avons aussi publié un édito sur le sujet dans le cadre de notre plaidoyer pour les dernières élections législatives.

Récemment,  Tam, Dylan, David et Arnaud qui travaillent pour le RWDH sont devenus nos voisins de palier à Monceau-Fontaines. Cette nouvelle proximité géographique était un bon prétexte pour rencontrer Arnaud, le coordinateur de cette fine équipe, et discuter d’autres rapprochements.

 

QUELQUES LIENS UTILES :

Pour en savoir plus sur le RWDH
Le RWDH a créé des fiches pour vous aider à interpeller votre commune sur le droit au logement.
Analyse : Reposséder collectivement le sol de la ville. On y parle de l’histoire de Community Land Trust (CLT)!
Analyse : Reconstruire la ville par un réseau d’habitats. On y parle de l’ambition des CLT.
Analyse : Les autres de l’habitat. Un texte sur les habitats groupés

[1] Un aperçu de ces mesures se trouve ici : https://www.uvcw.be/logement/actus/art-7606

[2] Basé sur le principe de la dissociation entre la propriété foncière et la propriété du bâti, ce dispositif permet de proposer des logements à des prix inférieurs à ceux du marché tout en impliquant les habitants dans la conception et la gestion du projet.

[3] Le Mietshäuser Syndikat est une coopérative d’habitation à but non-lucratif, gérée bénévolement et s’engageant pour la sauvegarde et la création d’espace habitable à loyers abordables.

©RWDH

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